Le Bloc-notes
de Jean-Claude Trutt

Shoah, antisémitisme, fascisme

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Il y a quelques jours nous avons commémoré la découverte d’Auschwitz par l’Armée rouge il y a 80 ans. Et dans toute l’Europe, et tout particulièrement en France, nous en avons profité pour, d’abord expliquer aux jeunes générations d’aujourd’hui ce que cette tentative d’exterminer la totalité de la population juive d’Europe avait d’horrible, de jamais vu, son caractère industriel, l’assimilation de ceux qu’on tuait en masse, à des sous-hommes, pire encore, à des non-humains, à de la vermine, et, ensuite, pour leur faire comprendre, jusqu’à quelle extrémité l’antisémitisme pouvait conduire. Et, au cours de cette campagne, on nous a cité de nombreux chiffres qui montraient que l’antisémitisme existait à nouveau, que la situation était même carrément inquiétante et qu’il fallait le combattre à tout prix.

J’ai deux observations à faire à ce sujet.
D’abord au sujet de l’antisémitisme d’aujourd’hui. A propos de sa nature qui est profondément différente de celle de l’antisémitisme d’avant-guerre. Ce qui ne change rien à sa nocivité. Il me semble simplement qu’aujourd’hui il est essentiellement lié au conflit entre Israël et les Palestiniens. J’ai longuement étudié l’histoire de l’antisémitisme sur mes sites (voir en particulier sur mon site Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Antisémitisme et identité juive) et les différentes étapes de son développement jusqu’au XXème siècle. Début avec les Croisés, bandes sauvages assurées de leur impunité et qui volent et tuent ces « incroyants » qui se trouvent en Occident, puis l’Eglise qui les parque dans des ghettos, les accuse d’être les assassins du Christ et leur abandonne la fonction de prêteurs, ce qui fait d’eux aux yeux de la population un peuple lié à l’argent, et donc détesté pour cela, en plus d’être différent par leurs coutumes, façons de s’habiller et croyances. Enfin l’antisémitisme moderne qui se développe au XIXème siècle en réaction aux nouveaux droits qu’on leur accorde, en France d’abord avec la Révolution, en Europe ensuite à la fois grâce à Napoléon et aux idées des Lumières. Et qui devient de plus en plus haineux au XXème siècle sous différentes influences : en Autriche où l’Empire est déchiré par l’essor des nationalités, dont le pangermanisme, pour lequel le juif est un ennemi (voir Schönerer), en Allemagne où le développement du mouvement völkisch fait du juif un non-Allemand par essence, en France et dans d’autres pays européens où arrivent en grand nombre des juifs persécutés violemment dans l’Est du continent dominé par la Russie des deux derniers Tsars, Alexandre III et surtout Nicolas II, des juifs qui sont souvent moins cultivés et plus frustes, visiblement plus frustes (mais pas tous, bien évidemment), que leurs congénères installés et assimilés, ce qui fait d’eux de nouvelles cibles pour les nationalistes, fanatiques de la pureté ethnique.
Après la deuxième guerre mondiale la découverte de la véritable dimension de l’extermination des juifs organisée par l’Allemagne nazie (six millions !) et du caractère incroyablement inhumain et industriel (je me répète) de cette extermination (et dont on n’a d’ailleurs pas pris conscience dès le jour de l’entrée des Soviétiques à Auschwitz mais seulement après de nombreuses années, tellement le crime était énorme et impossible à appréhender), cette découverte a empêché longtemps l’ancien antisémitisme à renaître. Sauf chez quelques vieux pétainistes indécrottables comme Jean-Marie Le Pen.
Alors comment expliquer cette recrudescence d’incidents et d’attentats antisémites dont on nous sert les statistiques ? Et qu’a de commun ce nouvel antisémitisme avec l’ancien ? Pas grand-chose, à mon avis, sauf peut-être, dans quelques cas, la vieille croyance à leur lien avec l’argent. Mais d’après tout ce que je vois et entends et lis, ce nouvel antisémitisme est directement lié à Israël. On confond juifs et Israéliens. Pour le comprendre il faut revenir à l’histoire de l’implantation israélienne après la deuxième guerre mondiale. Car tout commence avec la Nabka et la première guerre arabe contre les Israéliens, une guerre que tout le monde a oubliée, guerre mal préparée et mal conduite qui se termine avec une défaite retentissante et vécue comme une humiliation. Voir ce qu’en dit l’écrivain jordanien Abdul Rahman Mounif (en même temps qu'il regrette de ne plus jamais pouvoir jouir des délicieuses oranges de Jaffa!) dans son très beau roman Une ville dans la mémoire : Amman, que m’a fait connaître l’Israélien Benny Ziffer, écrivain et journaliste de Haaretz (voir mon Bloc-notes 2018 : Benny Ziffer, un Levantin israélien. Plus tard, après la nationalisation du canal par Nasser a lieu l’opération Suez par Israël allié à la France et l’Angleterre. Qui tourne à l’avantage de Nasser puisque les Etats-Unis et la Russie soviétique enjoignent d’une manière assez brutale aux deux alliés occidentaux de se retirer. C’est à partir de ce moment que se développent panarabisme et panislamisme. Qui a eu, entre autres effets, celui de séparer juifs et musulmans, comme le ressent, par exemple, Albert Memmi, juif tunisien, qui avant cela, s’enthousiasmait pour la lutte contre le colonialisme et partageait cet enthousiasme avec les musulmans. Et puis Nasser a l’idée complètement stupide d’attaquer Israël. Un grand malheur pour tout le monde. Les juifs du monde entier se sentent solidaires d’Israël qu’ils croient en danger. Je me souviendrai toujours de mon ami Elysée Elmaleh, Centralien et juif marocain, ayant déjà quitté le Maroc, mécontent de la façon dont on le traite au BRGM marocain, et qui me raconte que dès qu’il apprend l’attaque égyptienne, prend l’avion pour Tel Aviv en leur disant : me voilà ! (et eux de lui dire : on n’a pas besoin de vous !). Un grand malheur pour la Palestine qui est occupée et le reste jusqu'à aujourd'hui. Un grand malheur pour tout le Moyen-Orient, car le nationalisme restait marqué par certaines valeurs occidentales (comme la laïcité au Parti Baas en Syrie et en Irak), par une certaine rationalité, alors qu’il va être remplacé progressivement par le religieux, l’islamisme. Quant au reste on le connaît. On va se radicaliser des deux côtés. Netanyahou et les colons et les religieux et pour finir l’extrême-droite. Et le Hamas, mouvement islamiste issu des Frères musulmans. Kamel Daoud, dans ses Chroniques, regrettait amèrement qu’on ait fait de la cause palestinienne « une cause panarabe et une cause de messianisme islamique » (voir mon Bloc-notes 2017 : Les Chroniques de Kamel Daoud). Ailleurs il écrit : « la cause palestinienne est trop arabisée et islamisée, une solidarité basée sur l’ethnie, la race, la religion piège les Palestiniens, la cause palestinienne sert à tout dans le monde « arabe » d’aujourd’hui sauf à secourir les Palestiniens ». Or le même phénomène s’est passé en Israël : l’intégrisme religieux se développe, avec l’idée du retour au Grand Israël de la Torah.
Et avec la radicalisation du conflit la solidarité entre Arabes et musulmans et Palestiniens d’un côté et entre juifs européens, et tout particulièrement français, et Israéliens, va se renforcer également. Nous avons actuellement environ 5,5 millions de musulmans en France, dont la grande majorité sont des descendants d’anciens ou récents immigrants d’Afrique du Nord. Et qui s’intéressent plus que leurs concitoyens, on peut le supposer, à ce qui se passe à Gaza, regardent peut-être, plus que quiconque, la télé d’Al Djazira. D’autant plus que c’est la seule télé qui montre les images de l’enfer que vivent les Gazaouis, puisque les journalistes sont totalement interdits d’accès par Israël dans la zone. Quant aux juifs de France, une grande part d’eux ont également des ascendants venus d’Afrique du Nord et sont, eux aussi, particulièrement intéressés par ce qui se passe en Israël, ont peut-être des parents qui y ont émigré (voir ce que je dis de cette relation entre juifs de France et Israël dans mon Bloc-notes 2020 : Enderlin et les juifs de France et dans mon Bloc-notes 2022 : Elie Barnavi, un Juste parmi les Israéliens). Et puis il y a ce problème que j’ai souvent mentionné dans mes notes, cette condamnable stratégie de Netanyahou, et de bien d’autres irresponsables, de qualifier toute critique de la politique d’Israël d’antisémite ! Voir, entre autres, dans mon Bloc-notes 2020 : Antisionisme et antisémitisme. De là à ce que les autres fassent l’autre erreur malencontreuse, de ne plus faire de différence entre juifs et Israéliens !

Mais – et c’est là ma deuxième observation – Auschwitz n’aurait jamais été possible par pur antisémitisme. Auschwitz c’est Hitler, c’est le nazisme, c’est le fascisme. J’aurais aimé qu’on le dise. Qu’on l’affirme hautement au moment où cette idéologie que l’on croyait définitivement disparue après, justement, l’innommable scandale de la Shoah, est en train de renaître ! Quand Musk, participant par vidéo-conférence à une assemblée électorale de l’AfD, demande à ce que l’Allemagne dépasse son passé nazi et ne moufte pas quand la Présidente du Parti qui comporte de nombreux Néo-Nazis, déclare que le parti nazi s’appelait national-socialiste et était donc socialiste et que Hitler était un socialo-communiste ! Quand Trump, dans son action, ses décrets, prend de plus en plus un air fasciste. Et que même en Israël, comme nous l’a dit une sociologue franco-israélienne, Eva Illouz, on peut parler maintenant à propos de certains ministres associés au Gouvernement de Netanyahou, de « fascisme juif » (Bezalel Smotrich pour qui le peuple palestinien n’existe pas, et Itamar ben-Gvir qui fête tous les ans l’anniversaire de l’assassinat de Rabin) ! Voir mon Bloc-notes 2023 : Eva Illouz, de l’émotion en démocratie au fascisme juif.
Musk est né en plein pays Afrikaaner, à Pretoria, en 1971. Il y reste jusqu’à l’âge de 17 ans. Pendant toute cette période l’Afrique du Sud vit sous un régime d’apartheid, c’est-à-dire de racisme, absolu (j’ai visité le pays à de nombreuses reprises pendant cette période et la première fois en 1971 justement). Son grand-père maternel était venu du Canada où il avait été condamné pendant la guerre pour ses sympathies pour Hitler. On peut pense que ses origines familiales ont pesé dans ses sympathies actuelles pour l’extrême droite britannique et européenne. Est-ce que Trump peut également être taxé de fasciste ? Pour le savoir il faut revenir à la définition même du fascisme. Je l’ai beaucoup étudié : voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 5 : Les trente honteuses. Le grand spécialiste de la question, Robert Paxton, dit que « l’idéologie fasciste est partiellement implicite. Beaucoup de ces idées ne paraissent guère dans les déclarations publiques. Elles sous-tendent l’action. Elles relèvent plus du domaine de l’affect et des sentiments ». Le fascisme, dit-il encore, n’est « ni tyrannie, ni dictature militaire, ni régime autoritaire à la Franco ou Salazar ou Pétain. Ces régimes-là sont d’abord essentiellement conservateurs, ne cherchent pas à mobiliser la population qu’ils préfèrent passive et démobilisée et laissent les corps intermédiaires, notables, capitalistes, armée, famille, Eglise en assurer le contrôle ». Pour voir si un régime est fasciste ou non, il faut donc le voir à l’œuvre. C’est probablement pour cette raison que son maître-livre, Anatomy of fascism, a été publié en France (en 2004) avec le titre Le fascisme en action. Dans ma note j’avais repris, en les numérotant, les caractéristiques du fascisme selon Paxton. Les voilà :
1) Primauté du groupe : l’individu lui est subordonné, ses devoirs envers le groupe sont supérieurs à ses droits.
2) Danger - Crise. Sentiment d’une crise tellement forte que les solutions traditionnelles ne peuvent en venir à bout. Le groupe est une victime, il doit donc se défendre contre ses ennemis extérieurs et intérieurs par n’importe quel moyen et sans aucune limitation morale.
3) Déclin. Le groupe risque le déclin sous l’influence de 3 facteurs essentiellement : individualisme, conflits de classe, influences étrangères.
4) Renforcement du groupe : par intégration forcée, par purification (c. à d. épuration et exclusion).
5) Culte du chef : besoin d’autorité exercée par des chefs naturels (masculins bien entendu), besoin d’un super-chef, incarnation de la destinée historique du groupe. Supériorité de l’instinct du chef sur la raison.
6) Violence et volonté : «Beauté de la violence et efficacité de la volonté quand elles sont consacrées à la réussite du groupe».
7) Peuple élu : droit de dominer les autres, sans contrainte (ni morale, ni religieuse, ni humaniste). C’est un combat darwinien, donc conforme à la nature. Seul critère : la réussite.
Il n’est pas difficile d’y retrouver certaines caractéristiques du trumpisme.
Et d’abord le culte du chef (5). Evident. Total. Trump est le super-chef ; chez lui l’instinct domine la raison ; il incarne l’Amérique.
Et cette Amérique-là est bien un peuple élu (7) qui a non seulement le droit mais le devoir de dominer les autres. Remarquez : les Américains se sont toujours crus supérieurs aux autres nations. Et s’ils se focalisent tellement sur la Chine depuis un certain nombre d’années c’est qu’ils comprennent que pour la première fois une nation pourrait arriver à leur niveau et, peut-être même, les dominer économiquement.
Le sentiment de déclin ? Oui, bien sûr, c’est le sens même du slogan : Make America great again. S’il faut refaire la grandeur de l’Amérique, c’est qu’elle l’a perdue (3). Et cela c’est tellement grave que tous les moyens sont bons. C’est le sentiment de danger, de crise (2). Trump joue à fond de cet argument. Vous me direz que Poutine utilise les mêmes arguments et cherche à persuader ses concitoyens qu’il faut retrouver la puissance de l’ancien Empire soviétique et, peut-être même la grandeur de l’ancien Empire tsariste. Mais cela m’étonnerait beaucoup que les Russes y croient !
Quant à la violence (6) elle a toujours été une caractéristique essentielle de l’Amérique. Mais là elle est au plus haut sommet de l’Etat. On n’avait jamais vu ça. En tout cas pas dans les temps modernes. Une violence qui s’exerce sur des pays supposés amis. Comme le Canada ou le Danemark. Et bientôt sur nous autres pauvres et méprisables Européens. Sur l’Egypte et la Jordanie, qui s’ils n’acceptent pas de recevoir les Palestiniens, verront leurs subsides financiers disparaître. Car il n’y a pas seulement violence, il y a aussi volonté. Quand on veut, on peut ! Il y a également une incroyable violence verbale chez Musk et qui ne gêne absolument pas Trump. Comment Musk peut-il traiter le chancelier d’un grand pays occidental comme l’Allemagne de fou, d’imbécile incompétent, de merde ? Ou le Premier Ministre du Canada à qui il parle comme à une petite fille (Girl, que le Figaro traduit par : ma Belle) et le traite de Gouverneur !
Quid des caractéristiques (1) et (4) ? Primauté du groupe sur l’individu et pureté du groupe ? C’est plus subtil. D’abord il y a fidélité absolue du groupe au chef et fidélité du chef au groupe : Trump a gracié les 500 individus qui étaient condamnés ou poursuivis pour l’assaut du capitole. Quant à la purification on y arrive. Elle fait partie du combat que livrent Trump et Musk à toutes les valeurs de la gauche américaine sur le plan races, sexe, genre, femmes, droit, etc. Et ce combat-là il ne se fait pas sur un plan traditionnel, par la parole, la justice, la démocratie, non, elle se fait par la force, par décrets et par licenciements. On n’en est qu’au début. Tous les jours on découvre tout ce que Trump autorise à Musk de faire. Hier on apprend qu’il va avoir la main sur le Trésor avec ses six mille milliards de dollars et accès aux données fiscales de toute l’Amérique.
Ce combat idéologique Trump le mène également en-dehors des Etats-Unis. Comme Musk d’ailleurs. Domination de l’Amérique et domination idéologique. Il faut d’ailleurs arrêter de dire que Trump et Musk ne voient que l’argent, le bénéfice, bénéfice pour l’Amérique ou bénéfice des milliardaires, ce sont également des idéologues ! A ne pas oublier. Voir, entre autres, l’arrêt de l’US-AID.
Il y a d’autres analogies avec Mussolini et surtout Hitler. Eux comme Trump sont arrivés au pouvoir démocratiquement par des élections. Plus ou moins libres. Ce qui n’est pas le cas de Poutine ou Xi.
Hitler s’est immédiatement débarrassé de tous les traités signés, en particulier celui de Versailles et des suivants qui ont aménagé Versailles. Et il est sorti des la Société des Nations. Trump s’assoit sur le traité de l’Alena, s’en fout de l’OMC, sort du traité de Paris, de l’OMS, du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies. Comme il était sorti du traité avec l’Iran lors de son premier gouvernement (ce qui a permis à l’Iran d’être aujourd’hui tout près de la bombe !).
Il y a aussi un autre aspect de Hitler dont je me souviens et qu’avait mis en lumière son excellent biographe Ian Kershaw (voir Ian Kershaw : Hitler, essai sur le charisme en politique, Gallimard, 1995) : Dans son essai il fait appel à une notion qu’il emprunte à Max Weber, le pouvoir charismatique. Je l’ai longuement commenté dans ma note de mon site Voyage autour de ma Bibliothèque, tome 4 : Vienne, Hitler et les juifs. Voici ce que j’avais écrit : « L’autorité charismatique selon Weber, dit Kershaw, n’est pas stricto sensu liée aux qualités inhérentes à un individu, mais «caractérise une forme de domination politique fondée sur les perceptions d’un groupe de partisans convaincus de l’héroïsme, de la grandeur et de la mission d’un chef proclamé». Pour que le chef soit crédible il faut d’ailleurs que lui-même soit intimement persuadé qu’il est destiné à remplir une mission, ce qui est évident dans le cas de Hitler. Mais son pouvoir émane des espoirs placés en lui. L’autorité charismatique selon Weber est instable. Elle est détruite soit parce que les attentes que l’on a placées en elle ne sont pas remplies, soit tout simplement qu’elle perd en dynamique, qu’elle s’installe dans la routine ». Et j’ajoutais : « Weber n’avait pas prévu le cas de Hitler. Il n’avait pas non plus prévu qu’une telle autorité charismatique pourrait devenir un jour le système de gouvernement d’un Etat moderne. Et pourtant c’est ce qui se passe. Progressivement ce pouvoir se superpose à l’Etat allemand avec ses structures bureaucratiques et légales et le corrode. La propagande de Goebbels fait que les attentes ne sont jamais déçues et la folie de Hitler maintient la dynamique jusqu’à la catastrophe finale ». Voilà le mot lâché : la dynamique. Pour que le charisme se maintienne il faut continuer bouger, épater, agir. C’est ce que Hitler a fait avec ses guerres. Et ce que fait Trump avec ses décrets. Pour le moment. Avant d’aller plus loin encore dans l’action !

Que conclure de tout cela ? C’est trop tôt pour conclure. Ce que je n’arrive pas à comprendre c’est le manque de réaction, surtout le nôtre, nous les Européens qui avons vécu tout cela, fascisme, nazisme, génocide des juifs, mais pas seulement, aussi une guerre épouvantable, sans fin, avec des destructions énormes et, surtout, un nombre de morts absolument effrayant (entre 60 et 80 millions d’après Wikipédia). Et tout ce que l’on trouve à dire lors de la célébration des 80 ans d’Auschwitz : plus jamais l’antisémitisme. Oui, bien sûr. Mais aussi plus jamais le régime qui a permis de le réaliser, ce terrible génocide. Et qui a également été la cause de nos autres malheurs.

Post-scriptum (06/02/2025) : En 2022 j’avais déjà abordé le sujet du renouveau du fascisme dans une note intitulée Le Fascisme du XXIème siècle, que j’ai supprimée depuis. Parce que j’y associais Trump et Poutine, à propos des fake news, et que je les traitais tous les deux de fascistes. Or Poutine est un autocrate cruel mais n’est pas un fasciste. Le maniement du mensonge et de ce que l’on appelle aujourd’hui des fake news, est devenu à notre époque un outil puissant du marketing politique mais n’est pas suffisant pour en faire une caractéristique du fascisme. Même s’il était bien sûr largement utilisé aussi bien par Hitler que par Mussolini.
Le point de départ de ma note était d’ailleurs un article d’un quotidien luxembourgeois évoquant un documentaire sur le fascisme italien réalisé par le journaliste nord-irlandais Mark Cousins qui, y dit-on, « se concentre sur la manière dont le fascisme déforme la vérité, manipule l’opinion publique et promeut son propre récit ». Il nous met aussi en garde : attention, le fascisme peut prendre plusieurs formes. « Le fascisme s’adapte de manière quasi darwinienne pour coller à son nouvel environnement ». Et il ajoutait, en pensant à l’époque contemporaine : « la désinformation se répand encore plus vite et plus largement… à cause d’internet. On ne pouvait pas atteindre un million de personnes en trois jours autrefois, mais aujourd’hui on peut ! ». Il comparait aussi la désinformation à un incendie qui devient impossible à éteindre quand il fait rage. Et j'ajouterais que, comme l'incendie, la désinformation cause des dommages graves qui restent...