Deux livres et le génocide des Tutsis
(Gaël Faye : Jacaranda, Grasset, 2024 et Tharcisse Sinzi avec Thomas Zribi : Combattre – Récit d’un résistant face au génocide des Tutsi, Tallandier, Paris, 2025)
Il existe deux arbres magnifiques qui ont en commun quelque chose de remarquable : ils fleurissent en bleu. Un bleu qui tire au violet.
L’un d’eux est le paulownia. C’est cet arbre qui a longtemps orné la place de Furstemberg à Paris, jusqu’à ce qu’il ait fallu l’abattre parce que, bien vieux, il est devenu un danger pour les piétons. L’origine du paulownia est asiatique. On le trouvait déjà dans le titre du premier chapitre du célèbre roman de Dame Musaraki : le Clos au Paulownia (traduction de Sieffert) ou the Paulownia Court (traduction de Seidensticker). La mère du futur Prince Genji y avait ses appartements.
L’autre est le jacaranda. Il paraît que son origine est américaine. Mais c’est en Afrique du Sud que je l’ai admiré pour la première fois. C’était lors de mon premier voyage professionnel après avoir rejoint ma société luxembourgeoise. Je faisais le tour du monde de nos filiales avec mon Président accompagné de sa fille. Et à Johannesburg on est allé rendre visite au Président du Conseil d’Administration de notre filiale, un vieil avocat, très british, et qui allait faire cadeau à la fille du Président d’un bâton de chef zoulou. Or il habitait un quartier résidentiel de la ville, un peu dans les hauteurs, et chaque villa était systématiquement flanquée d’un jacaranda, dans toute sa splendeur bleue : on était en novembre, en plein printemps austral. Plus tard j’allais découvrir Prétoria, l’ancienne capitale des Boers, et là c’était une vraie folie jacaranda. Il devait y en avoir des centaines, peut-être des milliers. Et surtout la majestueuse allée d’entrée de la ville, bordée des deux côtés sur plusieurs kilomètres de ces arbres magnifiques !
Jacaranda est aussi le titre du roman de l’écrivain-musicien Gaël Faye qui a été couronné du Prix Renaudot en 2024. Quand le héros du roman, Milan, qui a une mère rwandaise comme l’auteur du roman, débarque pour la première fois à Kigali, il sera reçu par une ancienne amie de sa mère, Eusébie, qui habite dans « un quartier aux rues tranquilles bordées d’épais massifs de bougainvillées » et puis vient pour la première fois la mention de l’arbre mythique : « La voiture est entrée dans une parcelle où se dressait un gigantesque arbre aux fleurs violettes dont les longues branches ombrageaient une maison en briques rouges ». Et dans la maison dort un bébé de huit jours appelé Stella. Milan et sa mère n’y restent que quelques jours.
Mais Milan retourne au Rwanda sept ans plus tard (on est en 2005). Contre l’avis de sa mère qui ne veut plus entendre parler de son pays. Et des horreurs qui s’y sont passées. Et quand, arrivé à Kigali, Milan décide de rendre visite à Eusébie, il reconnaît la maison « grâce au jacaranda aux fleurs violettes dans le jardin ». Et la fillette Stella est perchée dans l’arbre, puis descend et lui parle, à l’arbre : « Je reviens tout à l’heure ». Stella est persuadée que son frère, ses sœurs et tous les autres membres de sa famille disparus lors du génocide vivent dans « l’arbre aux fleuves mauves ». Qui prend ainsi une autre dimension encore, une dimension mystique.
Quand Milan revient à Kigali pour la troisième fois, Stella a 12 ans. Elle disparaît souvent. Sa mère, inquiète, la cherche. Mais Milan sait où elle est. Dans l’arbre. Et il l’y rejoint. Son arrière- grand-mère Rosalie qui avait plus de 100 ans est décédée. « Elle est là », dit-elle en caressant l’écorce de l’arbre.
Finalement Milan décide de rester au Rwanda. A glander avec ses amis. Donner des leçons de français pour avoir quelques ressources. Stella a maintenant 17 ans. Et sa mère Eusébie qui n’a jamais parlé du passé – comme la mère de Milan – se décide subitement à témoigner. En public. Lors d’une de ces grandes cérémonies de souvenirs que la Nation organise, en même temps que ces procès villageois, les tribunaux gacaca dont je vais encore parler où les survivants témoignent et où les tueurs avouent ou n’avouent pas et sont condamnés. Le Président arrive. Et voilà qu’Eusébie monte sur la tribune et raconte. L’indicible. L’insupportable. Ses parents, son mari disparus, ses quatre enfants tués devant elle et, elle, ayant survécu, grâce à des hasards incroyables. Elle raconte les massacres sans fin, la cruauté des tueurs. Et, à la fin elle raconte son retour, quatre mois après le début des grandes tueries. « Notre maison était vide, tout avait été pillé. J’ai cherché mes enfants, puis j’ai appris qu’une de mes cousines était venue du Burundi, qu’elle avait trouvé les corps dans la maison et s’était chargée de les enterrer dans notre jardin. Au pied du grand arbre ». Milan regarde Stella. Elle est choquée, elle est terrifiée…
J’ai mis du temps à me décider à acheter le roman de Faye. D’abord je me suis méfié d’un musicien écrivain (je ne savais pas qu’il avait déjà écrit Petit Pays) et, ensuite, je n’avais aucune envie de me replonger dans un génocide. De toute façon je pensais bien connaître l’histoire. J’avais été étonné d’apprendre qu’il n’y avait pas de différences ethniques entre Tutsis et Hutus (je ne comprends toujours pas comment l’appartenance à des catégories sociales différentes peut créer des différences physiques). Je connaissais les responsabilités françaises (en particulier de Mitterrand). Et j’avais entendu parler des mystères entourant l’attentat de l’avion du Président. Et, surtout, je me souvenais de ces témoins traumatisés que j’avais évoqués dans une note de mon Bloc-notes 2012, intitulée Traumatisme du Mal : ce sergent-chef sur son camion qui voit un Tutsi s’accrocher au véhicule, le regarder puis être abattu par plusieurs Hutus à la machette et cet autre soldat français, un militaire du Génie, voir, à la frontière entre Rwanda et Congo, arriver les masses d’hommes terrorisées et puis découvrir les montagnes de cadavres, creuser les fosses avec des pelles puis y jeter les cadavres et les arroser de chaux. Cela suffit, me suis-je dit. Et puis on a tellement parlé de Faye et de son livre que j’ai fini par l’acheter quand même. C’est d’abord Annie qui l’a lu mais elle s’est arrêtée assez rapidement et, finalement, ce n’est que tout récemment que je me suis mis à lire Jacaranda. Et commencé à me demander quelle était la part auto-biographique de ce livre, d’autant plus que le héros principal parle à la première personne. Et puis je suis tombé sur les témoignages qu’il relate, ces témoignages terribles de survivants lors de ces procès publics, villageois, ces gacacas, et je ne me suis plus posé de questions. Le langage change, l’écriture change. Et les témoignages me paraissaient subitement d’une authenticité évidente !
Le premier témoignage est celui de Claude, le demi-frère de la mère de Milan. Quand on annonce à la radio la chute de l’avion du Président et qu’on y entend les premières accusations contre les Tutsis, il voit la peur se saisir de sa famille. Alors qu’il ignorait, dit-il, qu’ils étaient Tutsi. Et puis les tueries commencent aussitôt. « Ceux qui nous tuaient étaient des gens que l’on connaissait, nos voisins, nos amis, nos collègues, nos élus ». Après avoir échappé aux assassins, ils reviennent se cacher dans leur maison. Et là encore c’est un voisin qui les dénonce, « un garçon que ma grand-mère avait vu naître, qui avait bu le lait dans la même cruche que nous ». Claude arrive encore à s’échapper mais est rattrapé par un homme qu’il appelle le Chat, frappé par une lame, laissé pour mort et puis… sauvé par une femme Hutu. Une femme a pitié. Et elle le sauve à l’insu de son mari qui est tueur de Tutsis comme les autres. Ce qui frappe d’abord dans ce premier témoignage c’est le fait que ce sont les voisins de toujours qui sont pris de cette folie meurtrière, cette soif de sang. Ce n’est pas nouveau pour moi. On a vu les mêmes phénomènes en Bosnie, au Liban. Mais toujours aussi impossibles à comprendre. Il y a quelqu’un qui a cherché à l’expliquer, en disant qu’il y avait une idéologie derrière tout cela. Une idéologie qui s’impose aux Hutus ? Décrivant les Tutsis comme des cafards à éliminer ? Je n’y crois. Ce n’est pas l’idée que je me fais d’une idéologie. L’intervention de la femme Hutu réintroduit une certaine humanité dans le drame. Quelque part il y a encore des êtres humains qui résistent. Un dernier point : bien plus tard, le mouvement de résistance FPR a pris le pouvoir à Kigali, un certain nombre de tueurs ont été attrapés et condamnés. C’est le cas du Chat, condamné à huit ans. Alors Claude dit à ses amis qu’il l’attendra, le Chat, l’assassin de toute sa famille, à sa sortie de prison, et qu’il le tuera. Et cela aussi, je le crois. Je ne crois pas que ceux qui ont vécu l’innommable, peuvent l’oublier ni le pardonner. Jamais. Je ne crois pas qu’une réconciliation soit possible. Malgré tous les discours officiels. En tout cas pas pour les survivants.
Le deuxième témoignage, bien plus long, est celui d’Eusébie, la mère de Stella. Elle a tout perdu. Ses parents, son mari, ses quatre enfants. Elle raconte aussi les viols. Bien sûr, cela aussi a existé. Combien de filles, de femmes, ont été violées avant d’être tuées ! Elle raconte la collaboration des prêtres catholiques hutus. Cela aussi je l’avais déjà entendu. A un moment donné elle se cache dans une église. Pleine de réfugiés. Mais lorsque l’église est encerclée et qu’on demande aux Hutus de sortir, le prêtre est le premier à les abandonner. Elle voit aussi des enfants s’amuser à découvrir les Tutsis cachés dans les champs ou perchés sur des arbres. Et puis chercher les adultes pour les tuer. Mais elle aussi, elle tombe sur des gens ordinaires restés humains, un paysan hutu et son fils, qui lui montrent par où fuir.
A la fin du roman le jacaranda revient. En fait il est abattu car Eusébie, toujours aussi active, veut construire une maison à sa place pour recevoir des hôtes payants. Stella en est tellement affectée qu’elle ne parle plus et tombe dans une dépression profonde qui la mène à l’hôpital où Milan la retrouve plus tard. Elle a maintenant 21 ans. Mais Milan doit rentrer à Paris, sa mère est mourante. Quand il revient avec les cendres de sa mère dans une urne qu’il veut répandre dans les eaux du lac Kivu qui sépare le Rwanda du Congo, Stella va mieux. « Stella me regarde de ses grands yeux verts, les mêmes qui me fixaient vingt et un ans plus tôt, quand elle n’était qu’une nouveau-née s’ouvrant à la vie, sur cette même terrasse, entourée de ma mère et de Rosalie (l’arrière-grand-mère de Stella), à l’ombre de l’imposant jacaranda aux fleurs bleu lavande qui s’élevait alors de toute sa majesté vers un ciel infini, témoin silencieux des vicissitudes du siècle dernier. A cet instant précis, je prends conscience de ce que Stella a perdu pour toujours, elle qui pendant vingt et un ans a vécu sous la voûte tutélaire de cet arbre-monument, qui n’a pas passé un jour de son existence sans lever ses yeux émerveillés vers la cime vertigineuse du flamboyant, et sans que ses pensées ne se perdent dans le foisonnement de vie qu’abritait son abondant feuillage – insectes, lézards, rapaces, passereaux multicolores, et ces couples de touracos de Lady Ross à la crête rouge et au bec jaune, merveilleux amoureux qui lui offraient le doux spectacle de son batifolage. Stella a grandi auprès de son arbre mystique, son ami et son confident, une présence rassurante dans une époque tourmentée, une balise fixe dans les remous du temps qui passe… ».
Stella va accompagner Milan lorsque celui-ci se rend au Lac. Après avoir répandu les cendres de sa mère Milan pleure pour la première fois. Il est dans la barque avec Stella et Claude. Des pêcheurs rentrent. C’est l’aube. Milan sent des mains toucher son dos. « Je ne suis pas seul », se dit-il. « Je ne suis plus seul ». Milan est né en France et n’a pas connu les massacres de près. Quant à Stella, elle est née après le génocide. Pour eux au moins il y a peut-être un avenir au Rwanda…
Et puis, soudain, on annonce la publication du témoignage d’un Tutsi remarquable, Tharcisse Sinzi, grand maître de karaté, qui a conduit des groupes de Tutsis à se révolter, à refuser de se laisser massacrer sans combattre et qui a témoigné à l’occasion d’un procès exemplaire tenu à Paris contre l’un des leaders des assassins, Biguma. Il a mis du temps à accepter de témoigner. Le phénomène bien connu du traumatisme qu’ont vécu aussi les rescapés des camps d’extermination nazis. La mémoire qui bloque. Incapable de faire revivre l’horreur. C’est probablement le procès de Biguma qui l’a fait accepter pour la première fois – on était en 2023, presque trente ans après le génocide – à raconter ce qu’il avait vécu au journaliste et grand reporter Thomas Zribi. Mais sa mémoire était intacte. Tous les détails lui sont revenus.
Il commence à raconter l’histoire du Rwanda. La royauté, la religion, plus ou moins monothéiste, la colonisation allemande en 1884, puis celle des Belges à la fin de la première guerre mondiale. La séparation entre Tutsis et Hutus existait déjà. Les Tutsis étaient les aristocrates, ceux qui élevaient des vaches, alors que les Hutus étaient des paysans. Mais il s’agissait plutôt de catégories sociales, pas de castes fermées (un Hutu pouvait devenir Tutsi) et encore moins de races. Ce sont les Belges qui en ont fait un fait racial, se permettant même, probablement sous l’influence de certaines théories raciales de l’époque, à mesurer les nez et la longueur des jambes des uns et des autres. Et c’est en 1931 que les Belges ont imposé l’inscription Tutsi et Hutu sur les cartes d’identité. Alors que les Belges se sont longtemps appuyés sur les Tutsis, les choses changent après la deuxième guerre mondiale lorsque les Tutsis, plus évolués que les Hutus, commencent à réclamer l’indépendance. Maintenant les Belges soutiennent les Hutus et vont même jusqu’à les monter contre les Tutsis. Mais le sentiment d’une certaine injustice existait déjà chez les Hutus. Lors de la première élection, en 1961, c’est un parti radical hutu qui gagne. La royauté est abolie. L’indépendance obtenue en 1962. Et, en 1963, ont lieu les premiers massacres de Tutsis : 10 à 15000 d’après Sinzi. Un chiffre, semble-t-il, confirmé par les historiens. Bertrand Russell avait lancé un appel à ce sujet dans le Monde au début 1964. A partir de maintenant ce sont les Hutus qui règnent en maîtres sur le pays et les Tutsis sont brimés. C’est ainsi que grâce à un système de quotas beaucoup de Tutsis ne peuvent plus suivre l’enseignement secondaire. C’est ce qui conduit Sinzi à s’exiler au Burundi en 1977.
Sinzi est né en 1960 dans un village du sud proche d’une ville qui, du temps des Belges, portait le joli nom d’Astrida en honneur à la reine Astrid. Dernier né d’une famille nombreuse, père d’un caractère fort, respecté. Au village Tutsis et Hutus vivaient ensemble, plutôt unis. Ses deux frères aînés étaient déjà partis au Burundi en 1973. C’était un pays qui ressemblait beaucoup au Rwanda. Colonisation belge, population mélangée Hutu-Tutsi. Langue proche (kurundi) de celle du Rwanda (kinyarwanda). La grande différence : ce sont les Tutsis qui sont au pouvoir. En fait ils sont restés au pouvoir après l’indépendance. Au Burundi Sinzi finit d’abord ses études primaires et commence le karaté. Il devient ceinture noire en 1984 et obtient son bac, à 27 ans, en 1987. Ce qui montre sa persévérance et sa volonté. Il rentre au Rwanda en 1988.
Grâce à des amis d’enfance Tutsis qui connaissent du monde il arrive à devenir instructeur de karaté à l’armée (qui est pourtant presque totalement hutu) et, même, à devenir laborantin à l’Université de Kigali. Avec pas mal de difficultés et d’oppositions. En 1992 il se marie avec une certaine Jeannette et, à la fin de l’année, une fille leur est née qu’il appelle Nadine.
Pendant que Sinzi se trouvait au Burundi la situation politique a évolué de manière de plus en plus défavorable pour les Tutsis. En 1990 un mouvement de résistance armé Tutsi formé en Ouganda (le FPR, front patriotique rwandais) a commencé à attaquer le Rwanda. Ce qui n’arrange évidemment pas le sort des Tutsis du Rwanda. Dix mille Tutsis et quelques opposants hutu sont jetés en prison. En 1991 le Gouvernement autorise le multipartisme ce qui entraîne la formation de partis Hutu de plus en plus radicaux. Pourtant en 1993 sont signés les accords d’Arusha qui prévoyaient la fin de l’ethnisme, le retour des Tutsis exilés et la participation des Tutsis au pouvoir. Alors qu’en même temps la sinistre Radio des Mille Collines appelle déjà à l’extermination des Tutsis. Et puis voilà que l’avion présidentiel est abattu par des missiles (le 6 avril 1994). Le Président rwandais n’était d’ailleurs pas seul dans son avion : il y avait également le Président burundais et de nombreux cadres des deux pays. L’hypothèse selon laquelle ce seraient les extrémistes hutus qui seraient à l’origine de l’attentat me paraît donc tout à fait plausible. Et voilà que commence l’enfer.
Est-ce qu’on peut comprendre cette folie meurtrière qui a subitement saisi toute une population ? Je ne crois pas. Un élément qui a peut-être son importance : le nouveau Président a tout de suite prononcé un discours qui est passé à la radio le 21 avril, quinze jours après l’attentat contre l’avion, un discours qui appelait tous les Hutus à tuer les Tutsis. Et fustigeait les Hutus qui n’obéiraient pas à l’ordre. Les menaçait même. Avec l’idée implicite que ce sont les Tutsis qui ont causé l’attentat. Une première occurrence de fake news léthale. Pourtant on a l’impression que les questions que se pose Sinzi sont plus complexes. Pourquoi certains Hutus tuent leurs voisins, même ceux censés avoir été des amis, et d’autres font l’inverse, les sauvent ? Tout de suite après l’annonce de la chute de l’avion présidentiel, c’est un ami d’enfance de Sinzi, Jonathan, qui est pourtant soldat de l’Armée rwandaise et qui a combattu les FPR, qui conduit Sinzi et deux autres amis Tutsis d’abord en ville, à une banque pour prendre de l’argent, recueillir la femme et la fille de Sinzi chez lui, puis ramener tout le monde au village, affronter des Hutus armés (les bérets noirs de la garde présidentielle) à un barrage et laisser ses amis à la maison du père de Sinzi. « Je l’ai remercié chaleureusement », dit Sinzi. « Sans lui, nous aurions été exécutés le jour même. Lui, le Hutu, avait risqué sa vie pour sauver celle de cinq Tutsis ». Quand, sur le conseil du père de Sinzi, celui-ci décide de se battre, et d’abord empêcher les Hutus déchaînés de la province voisine, le Gikongoro, de passer le fleuve, il obtient l’aide d’un autre Hutu, ami de la famille, Aimable, qui est chef de cellule dans le village. Et celui-ci convainc un certain nombre de Hutus de se battre avec les Tutsis contre les Hutus tueurs de Gikongoro. Quand, plus tard, le père de Sinzi est assassiné, c’est encore Aimable qui accompagne son autre fils Frédéric jusqu’à sa maison et l’aide à l’enterrer dignement. Il offre même à Frédéric de l’héberger avec sa famille mais cette fois-ci c’est la femme d’Aimable qui refuse. Quand Frédric est assassiné à son tour, les tueurs épargnent sa fille Chantal qui a neuf ans. Et c’est une femme Hutu qui la recueille et d’autres femmes encore lorsqu’elle est en danger. A un moment donné elle est même hébergée dans une famille où les hommes sont des tueurs Hutus. Et Chantal va survivre au génocide. Pourquoi ? Alors qu’un autre Hutu, voisin du père de Sinzi, Nteko, à qui il avait mis à disposition une vache dont le veau devait lui revenir, a rendu vache et veau. Et les fils de Nteko allaient participer à l’assassinat de Frédéric et de sa famille. Pourquoi ? « Mon père avait aidé leur famille, nous avions toujours eu de bonnes relations », écrit Sinzi. « Je ne comprends pas. C’est pire que de la trahison, il n’y a pas de mots ».
Sinzi raconte aussi un fait un peu surprenant que l’on retrouve dans un témoignage de la fiction de Faye : des enfants sont cachés dans un faux plafond puis ils en sortent ou leur mère les fait sortir, lorsque les tueurs mettent le feu à la maison. Terrible dilemme pour une mère : dois-je les laisser mourir sous les coups de machettes ou par le feu ? C’est arrivé au frère de Sinzi, Frédéric. Il s’était caché dans la maison de leur père, quand un fils de leur voisin, Netko, les repère et les dénonce. Les tueurs arrivent en masse, entourent la maison, Frédéric brandit sa machette et c’est là qu’il dit aux enfants de se cacher dans le faux plafond « sous les tuiles ». Mais lorsque certains assaillants montent sur le toit, enlèvent des tuiles, répandent de l’essence et mettent le feu, les enfants sont bien obligés de sortir et s’enfuir. Dans le roman de Gaël Faye on trouve une histoire semblable dans le témoignage d’Eusébie. Avant de sortir chercher de l’aide à l’extérieur elle aide ses quatre enfants à se cacher dans le faux plafond. Mais elle est reconnue par un officier, ramenée à sa maison à laquelle les hommes mettent le feu. C’est alors qu’elle avoue que ses enfants sont dans ce fameux faux plafond et qu’elle est obligée à les appeler un par un. Et c’est l’un après l’autre que les enfants sortent puis sont abattus…
Je ne vais pas raconter en détail les combats conduits par Sinzi pour résister aux tueurs (l’intérêt principal du récit est ailleurs). Pourquoi c’est Sinzi qui arrive à entraîner ses compagnons de malheur ? D’abord parce qu’il a une forte personnalité, la même que celle de son père, ensuite, très probablement, parce que la pratique du karaté lui a donné beaucoup d’assurance et de maîtrise de soi.
Le premier combat a lieu au bord de la rivière Mwongo qui sépare leur province du Gikongoro voisin. Avec l’aide des Hutus de leur village ils arrivent à bloquer ceux qui viennent les tuer. Ils tiennent une semaine, détruisent le pont pour que les véhicules ne puissent pas passer, puis doivent lâcher prise : les assaillants commencent à tirer avec des fusils et jeter des grenades. Les autorités les avaient armés. Et quand Sinzi arrive au village avec ses compagnons de lutte, il s’aperçoit que d’autres Hutus y sont arrivés, du nord cette fois-ci, des membres d’une milice, les interahamwe, créée en 1992 déjà, des hommes « armés de machettes » et qui « avaient le même regard de chien affamé que ceux de la rivière Mwogo ».
Sinzi entraîne alors son groupe en direction de l’est, vers le Burundi. Son père refuse de les suivre et sera tué à la hachette. Il était un vieillard estimé de tous, âgé de 82 ans. Bientôt ils vont s’apercevoir que les autorités bloquent toutes les routes et veulent empêcher les Tutsis de passer la frontière. Sinzi entraîne alors sa troupe dans un grand domaine de recherches agricoles, situé sur des collines, l’ISAR Songa. Et, finalement, il installe son groupe sur la plus élevée des collines qui a plusieurs côtés inaccessibles aux assaillants. Quant aux autres côtés il va les défendre avec des pierres qu’ils vont jeter sur les tueurs et que les femmes et les enfants vont ramasser. Là aussi ils vont tenir pendant une semaine entière. Beaucoup de gens les ont rejoints. A la fin ils seront plus de trois mille. Mais une fois de plus ce sont les gendarmes qui vont entrer dans la bataille. Un hélicoptère les survole, on les bombarde avec des obus. Ils n’ont pas le choix. Fuir à nouveau. Rester ensemble. Seule la masse peut nous protéger, pense Sinzi. Il ne croyait pas qu’il était possible « d’arrêter des milliers d’hommes et de femmes lancés tous ensemble vers la frontière ». Mais il ne se doutait pas de ce qui allait arriver. Le cauchemar.
« Des groupes de miliciens sont sortis des abords de la route et ont attaqué la queue de notre groupe, là où se trouvaient ceux qui avançaient le plus difficilement, les vieux, les femmes, les enfants, les plus fragiles ». « Nous entendions le bruit des lames, les agonies des femmes égorgées. Les tueurs étaient juste derrière nous. Depuis trente ans, je revis ces scènes dans mes cauchemars. Une femme, ralentie par le bébé qu’elle avait dans le dos, l’a détaché et jeté sur le bord du chemin. Elle a été tuée un peu plus loin. Une autre, qui portait aussi son enfant dans le dos, était poursuivie par des miliciens. Quand nous avons traversé un champ de riz, elle s’est précipitée dans une bassine d’eau, la tête la première, pour tenter de se noyer. Le suicide était plus doux que la mort à coups de machette, atroce et douloureuse. Les tueurs l’ont vue et ne lui ont pas laissé le temps de mourir. Ils l’ont achevée avec son bébé. Nos tueurs étaient fous, nous étions terrorisés ».
Plus tard, bien plus tard, il dira : « c’est une cicatrice invisible chez la plupart des rescapés : nos corps ont survécu mais nos âmes sont salies. On nous a menacés, tiré dessus, on a tué nos enfants, nous avons vu la haine en face, celle qui assassine. Nous avons vécu de tels chocs que plus rien ne nous atteint. Depuis le génocide, je n’ai plus jamais pleuré, je n’ai plus jamais eu peur… J’essaye pourtant d’être un humain sensible comme les autres mais je n’y arrive plus ».
Quand le groupe atteint finalement la rivière Kanyaru qui constitue la frontière avec le Burundi, il est déjà largement décimé. Puis nouveau problème : il n’y a pas de pirogues et presque personne ne sait nager. C’est Zinzi qui traverse finalement le fleuve à la nage mais de l’autre côté il tombe sur des pêcheurs Hutus qui n’ont guère envie de l’aider d’autant plus que la traversée de la frontière est en principe interdite. En promettant de l’argent et, après avoir contacté en plus les militaires burundais, tous Tutsis, il arrive enfin à faire traverser le reste de sa troupe. Dans la rivière flottent des cadavres nus transpercés de bambous. Ils se comptent à la fin : ils ne sont plus que 118 ! Alors qu’ils étaient plus de trois mille sur la colline de l’ISAR Songa.
Une fois le pouvoir des Hutus chassé par le FPR arrivé à Kigali, commence la recherche des rescapés et des corps. Et on découvre encore bien des horreurs. Un neveu de Sinzi, Gatari, fils de son frère Frédéric, âgé de huit ans, avait réussi à suivre la troupe puis a pris une mauvaise direction et voit tous ses compagnons tués à la hachette. L’un des tueurs est accompagné de son fils qui a à peu près l’âge de Gatari et demande à abattre un Tutsi à son tour et le père lui donne sa hachette. Il frappe Gatari, mais pas assez fort semble-t-il, puisqu’au petit matin il se réveille, blessé, reprend la marche, est encore repris par des gendarmes fatigués qui le laissent à une femme Hutu désespérée qui veut mourir, ses frères ayant tué son mari et tous ses enfants. C’est elle qui va sauver Gatari. Après la fin du génocide Gatari va faire des études et devenir un expert agronome. Aujourd’hui il a 38 ans, est calme et sérieux, mais avec « la maturité d’un vieil homme ». « Ce petit garçon qui est devenu grand a dû énormément souffrir et doit encore souffrir aujourd’hui », dit Sinzi. « Comment un enfant de huit ans peut-il subir ce qu’il a subi ? ».
Dans le village de Sinzi tous les Hutus avaient fui. Mais Aimable avait ordonné que tous les cadavres soient enterrés. C’est ainsi que Sinzi a retrouvé presque tous les corps des membres tués de sa famille. Son père, son frère Frédéric, près de la maison du père, sa sœur Félicité et ses trois enfants tués à coups de pierres près de leur maison à eux. Son autre sœur Josépha et ses onze enfants enterrés dans une fosse commune. Il n’était pas toujours facile de retrouver les corps, les Hutus qui savaient n’osant pas le dire de peur d’être accusés de les avoir assassinés. C’est ainsi que Sinzi a beaucoup de mal à trouver sa femme et sa petite fille. Il cherche longtemps, interroge des tueurs en prison et finalement c’est un de ses amis qui trouve. Un corps enterré dans un champ. Sinzi reconnaît les vêtements de sa Jeannette. « Le bas de son corps était nu. Elle avait été violée avant d’être achevée ». Mais ne retrouve jamais le corps de sa petite fille. Peut-être mangée par les chiens ? Peut-être vivante ? Esclave d’un Hutu ?
Arrivé au bout de cette horrible histoire on reste forcément obsédé par les questions. Et d’abord comment cela a-t-il été possible ? Sinzi comme Gaël Faye parle d’un million de morts. Wikipédia semble confirmer ce nombre. Comment a-t-on pu tuer un million d’hommes, femmes et enfants, en seulement trois mois ? Les Nazis ont mis presque trois ans pour exterminer six millions de juifs ! C’est qu’ici les tueurs ont été des centaines de milliers. Ou plus encore ? Dans une note de bas de page on dit même que les fameux tribunaux villageois, les gacacas, ont accusé deux millions de personnes et prononcé un million trois cent mille condamnations. Ce qui paraît difficile à croire. Dans quelles prisons aurait-on pu les mettre ? A moins qu’on y inclue les tueurs en fuite au Congo. C’était donc une véritable folie qui a pris tout le pays. Une folie meurtrière. Et les outils n’ont pas été des armes à feu qui permettent de tuer de loin. Non, on a tué la plupart du temps à la machette. Donc de près. J’ai souvent parlé de ce qui caractérise l’animal humain et qui n’existe guère chez les autres animaux, la cruauté. Schopenhauer fait la même constatation : « Aucun animal ne fait souffrir pour le plaisir ; mais l’homme le fait et c’est ce qui fait son caractère diabolique, bien plus terrible que celui de l’animal ».
Mais cette folie prise par une masse me fait plutôt penser à un autre phénomène, le lynchage, magnifiquement décrit dans How sleeps the beast de Don Tracy (1927) qui montrait d’une manière hallucinante comment un individu pris dans une foule excitée est lui-même progressivement contaminée par la fureur ambiante et la soif de tuer, la soif du sang. Cette description par Tracy de la violence collective, les meneurs et les menés, complètement transformés, éléments d’un groupe qui n’existent plus par eux-mêmes et ne sont plus que les parties d’un tout monstrueux, est absolument hallucinante. Elle me faisait penser aux idées de Canetti sur la « cristallisation » de la masse, dans Masse und Macht. Je ne suis ni psychologue, ni psychiatre, ni même sociologue. Il me semble simplement que dans ce cas l’animal humain ressemble bien à d’autres animaux, en particulier aux carnassiers qui chassent en meute comme les loups. Ou à leurs cousins, nos chiens. Je me souviens d’avoir vu la bande de teckels de mon oncle, après que l’un d’eux ait réussi à se saisir de la queue du gros matou qui avait voulu se réfugier dans un arbre, le tuer et le déchiqueter en quelques minutes. Je pense aussi à notre couple de chiens-loups et à leur façon de tuer une biche qui s’était égarée dans notre propriété. Ou à d’autres faits divers reportés de chiens en meute devenus fous et agresser subitement jusqu’à tuer, un enfant, une femme ou même un homme. La folie meurtrière de la masse des tueurs du Rwanda ne serait donc rien d’autre qu’un aspect de cet animal qu’est l’homme ? Pourtant chez les lyncheurs de Tracy la cruauté qui elle est de nouveau spécifique à l’homme n’est pas absente : le nègre est cloué au mur d’une grange, par son sexe, on lui laisse un couteau et on met le feu à la grange et il se coupe lui-même son sexe avant d’être abattu. Il est vrai qu’il s’agit là d’une fiction. Pourtant des scènes de cruauté ont également dû exister lors de ces interminables journées de tueries au Rwanda.
L’autre grande question est relative aux victimes rescapées. Comment survivre ? Comment continuer à vivre ? Sinzi a d’abord la rage. Déjà au cours des combats, au cours de la fuite. Quand il aperçoit une maison hutu il a envie de massacrer tout le monde. A plusieurs reprises ses amis l’en empêchent. A la fin du génocide il est d’abord pris par la recherche des survivants et des corps de sa famille, puis s’occupe des enfants de son frère et dev sa sœur qui ont survécu avant qu’ils ne soient adoptés par ses frères qui étaient restés au Burundi, puis passe par une période difficile. Il vit chez l’un de ses frères qui s’est installé à Kigali, à ne rien faire et à dormir pour oublier. Tenter d’oublier. Sa vie est vide. Deux hommes vont l’aider, dit-il. Un frère de son père, médecin, directeur de l’hôpital universitaire de la ville, qui arrive à le convaincre de reprendre à la fois ses études (il deviendra ingénieur en construction) et le karaté (il deviendra 7ème Dan et se rendra à plusieurs reprises au Japon). L’autre est un condisciple, ancien soldat des FDP. Il le guérira de la haine, en lui démontrant qu’elle ne conduit à rien et qu’elle est un poison. Je ne sais pas si on peut vraiment guérir de la haine. C’est ainsi que participant une seule fois à un gacaca et rencontrant celui qui a fait partie du groupe qui a tué sa sœur Josépha et ses onze enfants, il a compris que c’était impossible de pardonner et qu’il a décidé de ne plus jamais assister à ce genre d’évènements. Il veut se convaincre que ses amis d’enfance Hutus, Jonathan qui l’avait sauvé lors des premiers jours du génocide et Aimable qui avait combattu avec lui et les autres Tutsis sur les bords de la rivière Mwongo n’avaient rien eu de grave à se reprocher lors des évènements ultérieurs. Mais il n’arrive pas à les rencontrer. Pourtant il a besoin d’y croire. « Je veux retrouver la foi en l’homme ». C’est ainsi qu’il termine son témoignage. Je crois que ce qu’il a dit plus tôt doit être plus proche de la vérité : « Nos corps ont survécu, mais nos âmes ont été salies ». Salies pour toujours.
Post-scriptum (25/05/2025) : Le hasard a fait qu’au moment où j’ai travaillé sur le génocide des Tutsis nous avons vu un film que j’ai trouvé absolument remarquable, Revoir Paris, de la réalisatrice Alice Winocour avec l’actrice Virginie Efira. Ce film qui date de 2022 est passé sur la chaîne France 3 le 19 mai 2025. Le sujet du film : un attentat commis dans une brasserie semblable à ceux qui ont eu lieu à Paris en même temps que celui du Bataclan. Mia qui en réchappe (jouée par Virginie Efira) reste traumatisée, même après avoir passé trois mois dans sa famille en province. Elle ne se souvient plus que par bribes de ce qui s’est passé. Revient à Paris pour retrouver la mémoire, rencontre d’autres rescapés qui se sont regroupés en association, un homme qui a été blessé (Benoît Maginel) avec lequel elle sympathise, puis va rechercher un homme qui l’a cachée et lui a tenu la main (le cuisinier du restaurant, un sans-papiers sénégalais). Nous avons été tous les trois (Alexandre était avec nous) fascinés par le jeu de Virginie. Ses absences subites. Fixité du regard, parole interrompue. Des visions qui lui reviennent. Le mur qui la sépare subitement de son compagnon. La proximité qui s’établit avec celui qui a vécu le même traumatisme. Car c’est bien cela le thème du film, le traumatisme, comment le vit-on, comment en guérit-on ? Un sujet que je connais bien (voir ma note déjà citée de mon Bloc-notes 2012 : Le traumatisme du mal) et que Sinzi a connu également, bien sûr. Lui aussi avait oublié certains évènements mais a retrouvé toute sa mémoire, complètement, trente ans plus tard. Lui aussi a été incapable de raconter ce qu’il avait vécu. A ses trois filles par exemple qu’il a eues de sa deuxième femme. Mais c’était peut-être un oubli volontaire. « Comment dire l’indicible ? », dit-il, « comment expliquer l’inexplicable ? ».
Moi je ne connaissais pas la réalisatrice, Alice Winocour. Alexandre, si. Il faut dire que depuis que nous n’allons pratiquement plus au cinéma, je ne lis plus beaucoup les critiques de films. Sur le net j’ai découvert que son frère avait été au Bataclan, qu’il s’y était caché et communiquait avec elle par SMS. C’est aussi grâce à lui qu’elle a connu les groupes de rescapés qui se retrouvaient, les médecins aussi et les psychiatres spécialisés dans les questions du post-trauma. Il faut dire qu’elle s’était déjà intéressée à cette question pour son film Maryland (2015) qui parlait de soldats qui revenaient traumatisés de la guerre en Afghanistan. J’ai également regardé, toujours sur le net, des interviews de Virginie Efira, une personnalité qui m’a paru très intelligente et qui avait bien assimilé la psychologie des traumatisés. Elle a d’ailleurs eu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans ce film.
Moi je ne connaissais pas la réalisatrice, Alice Winocour. Alexandre, si. Il faut dire que depuis que nous n’allons pratiquement plus au cinéma, je ne lis plus beaucoup les critiques de films. Sur le net j’ai découvert que son frère avait été au Bataclan, qu’il s’y était caché et communiquait avec elle par SMS. C’est aussi grâce à lui qu’elle a connu les groupes de rescapés qui se retrouvaient, les médecins aussi et les psychiatres spécialisés dans les questions du post-trauma. Il faut dire qu’elle s’était déjà intéressée à cette question pour son film Maryland (2015) qui parlait de soldats qui revenaient traumatisés de la guerre en Afghanistan. J’ai également regardé, toujours sur le net, des interviews de Virginie Efira, une personnalité qui m’a paru très intelligente et qui avait bien assimilé la psychologie des traumatisés. Elle a d’ailleurs eu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans ce film.