Jadan et le Donbass
(à propos de Serhiy Jadan : L’Internat, Editions Noir sur Blanc, Lausanne, 2022)
La première fois que j’ai entendu évoquer le nom de l’écrivain-poète ukrainien Jadan c’est à l’occasion d’un festival du cinéma de l’Europe de l’Est qui s’est tenu au Luxembourg en 2019. C’est le metteur en scène du film The wide fields, Yaroslav Lodygin, qui nous en a parlé avec beaucoup d’admiration. Il faut dire qu’il était l’auteur du roman dont il avait tiré son film : La Route du Donbass. Voir ce que j’en dis sur mon Bloc-notes 2019 : A l’Est rien de nouveau… (Slovaquie, Ukraine). Ecrivain adoré en Ukraine, nous avait dit Lodygin, mais aussi poète et même chanteur de rock ! Au fond il y a un bon côté dans cette épouvantable agression du pays par Poutine : on a découvert l’Ukraine et les Ukrainiens. Et parmi eux quelques types assez étonnants, comme Zelinsky entre autres ! Comme je l’ai raconté, si le film de Lodygin était déjà assez déjanté, le roman l’était encore plus. Un Donbass plutôt fantastique, des personnages un peu fous, des histoires abracadabrantes, et des descriptions de paysages très poétiques.
Et, un peu plus tard, j’ai découvert des interviews de Jadan sur le net et compris que lui-même était originaire de la région (Louhansk) et qu’il connaissait bien le problème. Et surtout retenu ce qu’il disait de la coexistence des deux langues, russe et ukrainien : une coexistence parfaitement pacifique et que seuls les Russes ont réussi à chambouler pour en faire une guerre nationaliste.
Le roman L’Internat, publié en français en 2022, a été écrit et édité en Ukraine en 2017 (et publié dès 2018 en allemand par Suhrkamp). L’action se passe en trois jours en janvier 2015. Ce n’est pas encore la guerre que nous connaissons aujourd’hui, et pourtant ! Pendant ces trois jours un homme qui cherche à ramener à la maison son neveu logé dans un internat plongé soudain dans la guerre, sur la ligne de front, erre d’abord seul, puis accompagné d’un garçon de 13 ans, dans un paysage apocalyptique, de carcasses, de ponts détruits, de maisons endommagées, rencontrant des foules de femmes et d’enfants terrés et terrorisés, des soldats énervés, blessés, traumatisés, donc dangereux, sous un ciel noir, des tirs incessants et dans un brouillard laiteux. Une description absolument superbe. Mais terrible.
Les femmes, quelquefois accompagnées d’enfants en bas âge, quelques vieillards aussi, ont quitté précipitamment leurs appartements détruits, ont emmené presque rien (et ce rien encore peut leur être volé), des conserves, surtout, pour se nourrir, veulent partir, mais ne savent pas pour aller où, ni comment, les chiens errants qui mangent les cadavres et, en bandes, peuvent s’attaquer aux hommes, les hommes, quand on en rencontre, qui se méfient les uns des autres (sont-ils des nôtres ou des « vôtres »), les soldats qui vous menacent, vous demandent vos papiers, qui parlent russe (sans accent) et qui rigolent (si vous avez de la chance) quand ils voient sur les passeports le drapeau ukrainien. Mais, en réalité, tout le monde a peur. Les civils plus que les militaires. Facile : ceux-ci ont des armes ! Et la peur n’est jamais jolie. Une foule est vite hystérique. Et fait vite bloc contre un nouveau venu. Mais on est aussi étonné de voir que, soudain, quelqu’un fait preuve de courage comme ce chauffeur de taxi, contre paiement bien sûr, qui emmène le héros du roman jusqu’aux abords de la ville. Ou le propriétaire de cette ferme délabrée à l’entrée d’un village qui accueille l’oncle et son neveu pour la nuit et, le lendemain, probablement touché par l’enfant, sort sa vieille voiture et les conduit tous les deux jusqu’à un endroit plus proche de leur destination finale.
Qui sont-ils, cet oncle et son neveu ? Lui qui s’appelle Pacha (ou Pachka), est prof. Prof de langue, répond-il, quand on l’interroge. De quelle langue ? On ne sait pas. Il est un peu invalide, les doigts abîmés (nécrosés ?), on ne sait pas de quoi. On dit qu’il est faible. Qui le dit ? D’abord sa sœur qui est hôtesse aux Chemins de Fer et qui est très dure : c’est elle qui a décidé de mettre son fils à l’Internat. Il y en a d’autres qui disent qu’il est faible. D’ailleurs lui-même le croit. Il ne veut rien savoir des évènements, ne lit pas les journaux, ne regarde pas la télé. Ne prend pas partie. On le lui reproche aussi. Pourtant quand le « vieux », son père, avec lequel il s’engueule souvent, et sa sœur lui demandent d’aller chercher son neveu, il l’accepte. Il l’aurait fait de toute façon. Et il se reproche de ne pas l’avoir cherché plus tôt, ni de s’être opposé plus vigoureusement à sa sœur quand elle a décidé de mettre son fils à l’internat. Et, finalement, il fait encore souvent preuve de courage au cours de ces trois jours d’épreuve. Cherche à aider une femme devenue hystérique parce qu’on lui a volé son or. Se présente aux soldats (on ne sait s’ils sont russes ou rebelles) en se disant délégué du groupe et leur réclame nourriture et bus. Et il obtient satisfaction. Plus tard, quand il se retrouve de nouveau au milieu des troupes gouvernementales et qu’on lui demande d’aider à transporter les blessés et même à tenir un grand blessé pendant qu’on l’opère, il le tient fort alors qu’il ne supporte guère la vue du sang. Parmi ces soldats qui reviennent du front beaucoup souffrent encore de ce traumatisme si particulier et qui est le bruit incessant des canonnades. Et cela m’a fait penser à la guerre actuelle car c’est exactement des mêmes traumatismes que souffrent les soldats ukrainiens qui reviennent de Bakhmout, on l’a encore vu hier soir sur LCI.
J’avais admiré l’art que déployait Jadan, dans son dernier livre, La Route du Donbass, à décrire les paysages de steppes et les ciels colorés des soirs d’été. Ici, dans L’Internat, je suis tout autant bluffé par sa description des paysages désolés de l’hiver ukrainien. Le ciel toujours plombé, le brouillard fait d’une ouate laiteuse et qui ne se lève presque jamais, la neige toujours sale, d’une couleur jaune douteuse, et les bois découpés par les tirs des canons et des mitrailleuses. Et les oiseaux partis. Et soudain quelque chose qui se dégage du brouillard, un ravin, un pont détruit, un mur calciné, une ruine, des immeubles aux fenêtres aveugles. Et toujours la boue dans laquelle on patauge.
Le garçon n’a pas encore 14 ans et on sent qu’il a été un enfant difficile. D’ailleurs au début on voit bien qu’il fait la forte tête, fume des cigarettes, boude, veut rester. Mais au fur et à mesure des épreuves qu’ils sont bien obligés de partager, et des dangers auxquels ils sont confrontés, il coopère de plus en plus, se montre courageux et même secourable aux autres à l’instar de Pacha. Et puis progressivement on comprend que les deux s’aiment bien, l’oncle et le neveu. Que ce parcours semé de peurs et d’obstacles les a rapprochés. Définitivement. Pour le restant de leurs vies. D’ailleurs, alors que le gros du roman est raconté à la troisième personne, soudain, dans les deux ou trois dernières pages, c’est le garçon qui prend la parole. A la première personne. Comme si, soudain, il s’était réveillé à la vie, était devenu un adolescent mûri, presqu’un adulte.
« En route, la pluie reprend. Même si on n’y fait plus attention. On a envie de rentrer au plus vite. De temps en temps, il y a du réseau. Maman appelle. Elle parle calmement, comme si tout allait bien et qu’il ne s’était rien passé, elle prévient qu’elle rentrera demain. Moi aussi je réponds calmement. En effet il ne s’est rien passé. Pacha appelle le vieux, dit qu’on rentre bientôt, demande ce qu’il faut acheter. On dirait que nous sommes sortis pour une escapade et que nous rentrons à la maison, fatigués, sales, sentant la fumée. Plus nous approchons de la station, plus la rue grouille de combattants. Une colonne de véhicules militaires passe devant nous, en direction de la ville. Sans doute viennent-ils de déposer du monde à la gare. Les militaires sont concentrés, sereins. Personne ne crie. Personne ne se dispute. Tout le monde se prépare à la guerre qui se poursuit. Chacun pense survivre, a l’intention de revenir. Tout le monde a envie de revenir, tout le monde aime rentrer chez soi. Moi aussi, j’aime revenir à la station, j’aime compter les maisons, reconnaître les voisins à l’arrêt de bus, attendre que notre maison apparaisse au coin de la rue, semblable à la moitié d’une miche de pain. Les oiseaux occupent les arbres tout autour de l’arrêt. Des bandes entières. Endormis, trempés, immobiles. Comme s’ils attendaient le bus, eux aussi. Peut-être qu’ils sont venus de la ville, plus près de chez eux, pour se sentir plus en sécurité… ».
Et puis, avant d’arriver à la maison, il aperçoit une boite. Où ça couine. Deux chiots, l’un déjà froid, l’autre mourant. Il le prend. Demande s’il peut à Pacha. Qui dit : non, le vieux va rouspéter.
« Il rouspétera un peu et puis il s’habituera, lui dis-je… »
- Il est mort ? demande Pachka, intrigué.
- Et puis quoi encore ? je lui réponds. Lorsqu’il sera grand, il mettra tout le monde en pièces.
Pachka rit pour afficher son scepticisme. Nous tournons au coin de la rue. Nos fenêtres luisent de la lumière statique de la télé allumée.
La maison sent les draps propres. »
Note : L’excellente traduction à partir de l’ukrainien est d’Iryna Dmytrychyn.
Post-scriptum : Après avoir terminé le roman de Jadan j’ai repris la lecture d’un petit fascicule que j’avais étudié il y a longtemps, intitulé Donbass en feu, petit guide de la zone du conflit, qui avait été publié à la même époque que le roman, en 2017, et qui se trouve toujours sur le net, voir : Donbass en feu. C’était le résultat du travail d’un collectif composé de journalistes d’investigation, de politologues, de géographes et d’historiens, et qui m’avait paru plutôt objectif à l’époque, même s’il était plutôt favorable à l’Ukraine.
Ce fascicule est intéressant à plusieurs titres. D’abord parce qu’il nous rappelle comme le fait le roman de Jadan, que la guerre a commencé il y a longtemps déjà. Elle était d’ailleurs également présente dans Les Abeilles grises de Kourkov (voir : les Abeilles grises d'Andréï Kourkov). C’est le 20 février 2014 que la Russie a commencé ses opérations contre l’Ukraine destinées à récupérer la Crimée (quand Poutine a choisi d’envahir toute l’Ukraine un 22 février 2022, exactement huit années plus tard, il se souvenait bien sûr de cette date). Mais dès le mois d’avril 2014 l’épicentre du conflit s’est déplacé dans les régions de Donetsk et de Louhansk. Et cette première phase de la guerre a duré jusqu’en septembre. Jusqu’à Minsk – 1. Puis les combats ont repris en décembre 2014 et ont duré jusqu’en février 2015. C’est là que se place l’action du roman de Jadan. Plus tard la guerre est devenue une guerre de positions.
Ensuite on est effaré de voir que dès le début les Russes ont pris une part active aux combats et, surtout, ont immédiatement fourni énormément d’armes, chars, canons, lance-roquettes, systèmes anti-aériens, drones, etc. Le collectif en a accumulé les preuves photographiques.
L’étude du collectif rassemble également de nombreuses données historiques, géographiques et ethnologiques. On savait que les régions du Donbass étaient des régions riches en mines de charbon (et aussi anthracite et coke), que la présence du charbon avait entraîné l’installation d’aciéries et d’usines de construction mécanique, mais on ne savait peut-être pas que ces mines s’étendaient jusqu’en Russie, jusqu’au Don et que l’ensemble dépassait largement en surface celui de la Ruhr. Il était évident que la population locale, rurale, probablement pas très importante (région de steppes) était insuffisante pour fournir la main d’œuvre nécessaire. Il fallait donc l’importer. Beaucoup venaient de Russie. Ce qui explique très probablement d’abord l’importance des habitants de ces régions qui se disent encore Russes et l’importance encore plus grande de la langue russe. J’y reviendrai. Ceci étant, est-ce la richesse minière et industrielle que représentait le Donbass qui a incité Poutine à intervenir ? Certainement pas. La région était déjà en crise profonde. Après la chute de l’Empire soviétique et l’indépendance de l’Ukraine, la situation économique de la région n’a fait que se dégrader : passage de l’économie planifiée à l’économie capitaliste, pas de modernisation, privatisation, avènement d’oligarques sans scrupule, fin des débouchés russes, concurrence mondiale, puis criminalité et pollution. Ce qui peut d’ailleurs expliquer une certaine hostilité de la population locale contre Kiev.
Non, c’est surtout sur la présence forte de Russes et de russophones que Poutine a joué, l’utilisant comme levier pour un soulèvement armé. Les chiffres donnés par le collectif m’ont surpris. Entre 38 et 39% de Russes en 2001 dans les régions de Donetsk et Louhansk. S’agit-il simplement d’habitants d’origine ethnique russe ou de gens qui ont un passeport russe ? On ne le précise pas. Ces proportions étaient encore plus fortes en 1989 : entre 44 et 45% ! Quant à la langue, les proportions de russophones sont encore bien plus élevées : 75% de russophones dans le Donetsk en 2001 et 69% dans le Louhansk. Alors, bien sûr, l’Alsacien que je suis, sais mieux que quiconque que ce n’est pas parce qu’on parle une langue que l’on se sent proche du principal pays dont c’est la langue nationale. Mais je sais aussi combien c’est tentant pour un dictateur de jouer de l’argument de la langue pour mettre la main sur les pays qui parlent la même langue. Hitler l’a fait avec l’Autriche qui ne s’y est peut-être pas très opposée, puis avec l’Alsace et la Moselle et avec le Luxembourg qui n’en avaient aucune envie, de Hitler. Et puis Poutine n'avait plus qu’à suivre encore un autre exemple fourni par Hitler qui disait vouloir sauver les Allemands, Sudètes ou autres, prétendument persécutés : lui, Poutine, allait sauver tous ces Russes ou russophones d’Ukraine pour les sauver carrément d’un génocide !
Une remarque encore pour finir. Ce qui est en tout cas certain c’est que la langue russe occupe une place importante dans le pays. Et pas seulement dans le Donbass. Les russophones représentent près de 30% pour la totalité de l’Ukraine. Et dans bien d’autres régions ils sont majoritaires : Zaporijia, Kourkiv, Odessa, Crimée, etc. Alors je pense que les autorités auraient tort de s’en prendre à la langue. Or c’est l’impression que l’on a. Le développement de l’ukrainien est vivement encouragé, il est devenu unique langue de communication gouvernementale, Zelensky qui est russophone fait tous ses discours en ukrainien, l’écrivain russophone Andréï Kourkov annonce qu’il va dorénavant se mettre à écrire en ukrainien et les deux sœurs qui écrivent régulièrement dans le supplément du Monde s’insurgent régulièrement contre tout ce qui est russe, dont même la langue et la culture (alors qu’à l’origine leur famille était russophone). Je rappelle que même les Juifs allemands, malgré la Shoah, ont toujours fait la différence entre la langue et la culture allemandes et le nazisme. La langue de Hitler était aussi celle de Goethe. La langue de Poutine est aussi celle de Pouchkine !
Ce fascicule est intéressant à plusieurs titres. D’abord parce qu’il nous rappelle comme le fait le roman de Jadan, que la guerre a commencé il y a longtemps déjà. Elle était d’ailleurs également présente dans Les Abeilles grises de Kourkov (voir : les Abeilles grises d'Andréï Kourkov). C’est le 20 février 2014 que la Russie a commencé ses opérations contre l’Ukraine destinées à récupérer la Crimée (quand Poutine a choisi d’envahir toute l’Ukraine un 22 février 2022, exactement huit années plus tard, il se souvenait bien sûr de cette date). Mais dès le mois d’avril 2014 l’épicentre du conflit s’est déplacé dans les régions de Donetsk et de Louhansk. Et cette première phase de la guerre a duré jusqu’en septembre. Jusqu’à Minsk – 1. Puis les combats ont repris en décembre 2014 et ont duré jusqu’en février 2015. C’est là que se place l’action du roman de Jadan. Plus tard la guerre est devenue une guerre de positions.
Ensuite on est effaré de voir que dès le début les Russes ont pris une part active aux combats et, surtout, ont immédiatement fourni énormément d’armes, chars, canons, lance-roquettes, systèmes anti-aériens, drones, etc. Le collectif en a accumulé les preuves photographiques.
L’étude du collectif rassemble également de nombreuses données historiques, géographiques et ethnologiques. On savait que les régions du Donbass étaient des régions riches en mines de charbon (et aussi anthracite et coke), que la présence du charbon avait entraîné l’installation d’aciéries et d’usines de construction mécanique, mais on ne savait peut-être pas que ces mines s’étendaient jusqu’en Russie, jusqu’au Don et que l’ensemble dépassait largement en surface celui de la Ruhr. Il était évident que la population locale, rurale, probablement pas très importante (région de steppes) était insuffisante pour fournir la main d’œuvre nécessaire. Il fallait donc l’importer. Beaucoup venaient de Russie. Ce qui explique très probablement d’abord l’importance des habitants de ces régions qui se disent encore Russes et l’importance encore plus grande de la langue russe. J’y reviendrai. Ceci étant, est-ce la richesse minière et industrielle que représentait le Donbass qui a incité Poutine à intervenir ? Certainement pas. La région était déjà en crise profonde. Après la chute de l’Empire soviétique et l’indépendance de l’Ukraine, la situation économique de la région n’a fait que se dégrader : passage de l’économie planifiée à l’économie capitaliste, pas de modernisation, privatisation, avènement d’oligarques sans scrupule, fin des débouchés russes, concurrence mondiale, puis criminalité et pollution. Ce qui peut d’ailleurs expliquer une certaine hostilité de la population locale contre Kiev.
Non, c’est surtout sur la présence forte de Russes et de russophones que Poutine a joué, l’utilisant comme levier pour un soulèvement armé. Les chiffres donnés par le collectif m’ont surpris. Entre 38 et 39% de Russes en 2001 dans les régions de Donetsk et Louhansk. S’agit-il simplement d’habitants d’origine ethnique russe ou de gens qui ont un passeport russe ? On ne le précise pas. Ces proportions étaient encore plus fortes en 1989 : entre 44 et 45% ! Quant à la langue, les proportions de russophones sont encore bien plus élevées : 75% de russophones dans le Donetsk en 2001 et 69% dans le Louhansk. Alors, bien sûr, l’Alsacien que je suis, sais mieux que quiconque que ce n’est pas parce qu’on parle une langue que l’on se sent proche du principal pays dont c’est la langue nationale. Mais je sais aussi combien c’est tentant pour un dictateur de jouer de l’argument de la langue pour mettre la main sur les pays qui parlent la même langue. Hitler l’a fait avec l’Autriche qui ne s’y est peut-être pas très opposée, puis avec l’Alsace et la Moselle et avec le Luxembourg qui n’en avaient aucune envie, de Hitler. Et puis Poutine n'avait plus qu’à suivre encore un autre exemple fourni par Hitler qui disait vouloir sauver les Allemands, Sudètes ou autres, prétendument persécutés : lui, Poutine, allait sauver tous ces Russes ou russophones d’Ukraine pour les sauver carrément d’un génocide !
Une remarque encore pour finir. Ce qui est en tout cas certain c’est que la langue russe occupe une place importante dans le pays. Et pas seulement dans le Donbass. Les russophones représentent près de 30% pour la totalité de l’Ukraine. Et dans bien d’autres régions ils sont majoritaires : Zaporijia, Kourkiv, Odessa, Crimée, etc. Alors je pense que les autorités auraient tort de s’en prendre à la langue. Or c’est l’impression que l’on a. Le développement de l’ukrainien est vivement encouragé, il est devenu unique langue de communication gouvernementale, Zelensky qui est russophone fait tous ses discours en ukrainien, l’écrivain russophone Andréï Kourkov annonce qu’il va dorénavant se mettre à écrire en ukrainien et les deux sœurs qui écrivent régulièrement dans le supplément du Monde s’insurgent régulièrement contre tout ce qui est russe, dont même la langue et la culture (alors qu’à l’origine leur famille était russophone). Je rappelle que même les Juifs allemands, malgré la Shoah, ont toujours fait la différence entre la langue et la culture allemandes et le nazisme. La langue de Hitler était aussi celle de Goethe. La langue de Poutine est aussi celle de Pouchkine !