Le Bloc-notes
de Jean-Claude Trutt

London, Curwood et la psychologie canine

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Ma fille déploie une énergie folle au service de la vie associative de son quartier dans le XVIIIème. L’autre jour elle m’interpelle : mon Assoss’ Le Village Clignancourt va organiser une Journée du Chien en mai, peux-tu me faire une liste de livres de chiens ? Aussitôt, en père obéissant, je me suis mis au travail. Voyez le résultat en annexe de cette note. Bien sûr, on y trouve de nombreux romans écrits pour la jeunesse (le chien est le meilleur ami du petit d’homme) qui n’ont pas forcément un niveau littéraire transcendant. Mais j’ai quand même fait quelques découvertes qui m’ont étonné. Comme cet incroyable recueil de contes de science-fiction canine de Clifford D. Simak (City). Pour une fois ce ne sont pas les singes qui ont supplanté l’homme mais les chiens ! Ou le Chien de Florence de Félix Salten, encore un écrivain de la Cacanie que je ne connaissais pas ! Et cet Old Yeller, un classique américain, paraît-il, que Rick Bass, grand du Montana et de la nature writing, a lu dans sa jeunesse et qui l’a marqué pour la vie, dit-il. Même une Italienne, spécialiste de psychologie enfantine en parle : pour elle le lien si fort qui lie le jeune Travis à son chien le prépare à ses futurs liens amoureux… Bon, passons. 
En réalité, je ne l’ai pas avoué à ma fille, cette étude m’a surtout donné un prétexte pour relire les 4 romans qui sont à la base de tout, les 4 romans de chiens et de loups de Jack London et de James Oliver Curwood, L’Appel de la Forêt et Croc-blanc pour le premier, Kazan et Bari pour le second. Car il y a longtemps que j’avais envie d’y revenir. D’abord pour le plaisir. Ensuite parce que j’avais hâte de résoudre un problème. Est-ce que ces deux écrivains ont fait un portrait fidèle de leurs héros ? Vraisemblable ? Ou n’est-il pas trop anthropomorphe ? Et lequel des deux est le meilleur psychologue de chiens (et de loups) ? Et, à ma grande surprise, sur ce plan-là, la psy, il m’a semblé que c’était Curwood qui était le meilleur. 

Mais commençons par le commencement. The Call of the Wild (j’ai une réédition canadienne par la Macmillan Co of Canada qui est de 1910) date de 1903. C’est par ce livre que Jack London atteint pour la première fois le statut d’écrivain. Car il sait raconter. Et n’a cessé de travailler pour améliorer son écriture. Mais surtout il sait observer. Car combien de temps est-il resté là-haut, dans le Klondike ? Même pas un an ! La fièvre de l’or a commencé en 1897 et Jack London s’est embarqué le 25 juillet 1897. Une fois passé le premier col difficile pour atteindre l’endroit assigné, l’hiver était arrivé. Et Jack a passé son temps à écouter les hommes raconter leurs histoires, à traîner dans le coin, à Dawson aussi où Francis Lacassin qui avait un culte pour London, a encore trouvé l’ancienne auberge où il a couché. Mais il n’est jamais devenu chercheur d’or et, malade du scorbut, est reparti de Dawson pour revenir en Californie dès le mois de juin 1898. Alors comment a-t-il pu connaître la vie des chiens ? Par ce qu’on lui a raconté ? Par son expérience personnelle ? Difficile à savoir. Mais si l’on relit aujourd’hui l’histoire du chien Buck on ne peut que reconnaître ce que de nombreux commentateurs ont également souligné, c’est que la principale caractéristique de ce chien c’est sa volonté de survivre. Toujours se battre et, si on ne peut faire autrement, s’adapter. 
Rappelez-vous : Buck, père Saint-Bernard, mère Collie, vit heureux en Californie, quand il est volé par un méchant jardinier qui le vend à des trafiquants du Nord. C’est là qu’apparaît l’homme au pull rouge qui manie si cruellement le gourdin et qui apprend à Buck qu’il y a des cas où il faut se soumettre si on ne veut pas mourir. Puis il devient chien de traîneau pour un équipage du Gouvernement canadien qui porte le courrier aux chercheurs d’or. Maîtres plus ou moins corrects même si le fouet règne aussi. Mais, surtout, là il apprend que c’est aussi la lutte entre chiens et il n’a pas d’autre choix que de tuer un Spitz hargneux. D’ailleurs le titre du deuxième chapitre est : La Loi du Gourdin et du Croc ! Il devient encore chien de traîneau d’un maître fou puis trouve un bon maître qui va être tué par des Indiens, après quoi Buck choisit la liberté, le Wild. Et va chasser avec les loups. Ce qui me paraît être la première erreur de London : je ne crois pas qu’un chien qui ressemble à un Saint Bernard, même particulièrement puissant, puisse être accepté par une horde de loups. Il n’y a pas plus raciste qu’un loup ! 
La fille de Jack, Joan London, raconte dans la biographie qu’elle a consacrée à son père, que lorsque critiques et amis le félicitent pour son histoire de chien et qu’ils parlent tous de « l’allégorie humaine contenue dans ce combat à la vie, à la mort, d’un chien pour s’adapter à un environnement hostile », Jack London tombe des nues, relit son bouquin avec étonnement et dit : je plaide coupable, je n’en étais pas conscient, je n’en avais pas l’intention (voir : Joan London : Jack London and his times. An unconventional biography, édit. Doubleday, Doran and Co, New-York, 1939). Joan London rapporte un autre élément important à ce sujet. On sait que, peu de temps auparavant, Jack London qui devait se rendre en Afrique du Sud pour rendre compte pour un journal américain de la guerre des Boers, est bloqué à Londres, la guerre étant terminée, et découvre le East End et sa terrible misère. Qu’il décrit et photographie dans un document magistral : Jack London : The People of the Abyss, with many illustrations from photographs, édit. George N. Morang and Cy, Toronto, 1903 (1ère édition canadienne). Or on sait aussi qu’il est revenu de Londres véritablement traumatisé par ce qu’il a vu. Commençant à douter sérieusement de notre civilisation (le retour au Wild de Buck, le retour à la nature pour l’homme est peut-être préférable à notre civilisation technique et économique) et, en même temps, se disant qu’il faut être fort pour se sortir de cette misère et admirant les forts qui en sont capables. On verra que Jack London est encore souvent tenté par la célébration de la force (son Sea Wolf dont le héros est ce surhomme qu’est Wolf Larsen, date de l’année qui suit :1904 !). Au fond lui-même s’en est sorti de la misère par sa seule force mentale. Et puis il a lu Spenser et Nietzsche. Mais, en même temps, il comprend que les théories qui subliment la force sont contraires à son idéal socialiste. Voir ce que je dis de ce combat dans ma note sur London, socialiste au tome 4 de mon Voyage autour de ma Bibliothèque. Dans une certaine mesure, cette histoire du chien Buck est aussi une réponse à la misère de l’East End et une admonestation aux miséreux : luttez ! On est loin des questions de psychologie canine. 
Alors, est-ce aussi le cas de Croc-blanc ? J’ai la première édition : Jack London : White Fang, édit. The Macmillan Company, 1906. Croc-blanc est né sauvage, fils d’un loup et d’une chienne-louve. Attrapé par des Indiens en même temps que sa mère il apprend, encore louveteau, qu’il faut se battre contre les autres chiens, devient chien de traîneau, doit toujours se battre car il est loup pour ses compagnons chiens, puis est vendu à un maître cruel et fou qui en fait un chien de combat. Il vit l’enfer et devient un véritable chien d’enfer. Alors qu’il mène son dernier combat, défait par un puissant bouledogue, un homme le sauve et l’apprivoise progressivement. Si Croc-blanc survit ce n’est pas seulement grâce à sa force mais aussi grâce à son intelligence. On peut donc dire que Croc-blanc est de la même veine que Buck. Et qu’une fois de plus Jack London décrit un héros qui survit parce qu’il lutte. Aussi bien par sa force physique que par son intelligence. Et on y décèle même un peu de racisme parce que Croc-blanc sent confusément que les Blancs sont « des dieux supérieurs » aux Indiens (un racisme latent qu’on ressentait déjà dans la nouvelle du Fils du Loup (qui date de 1900). 
Oui, et alors, quid de la fameuse psychologie canine ? Jean Dutourd qui signe la préface des Histoires de bêtes rassemblées dans le premier tome des œuvres de London par Gallimard/Hachette et traduites par Mme de Galard, Paul Gruyer et Louis Postif, écrit ceci : « Les héros-chiens de Jack London ne sont pas anthropomorphiques. C’est là une facilité et un piège dans lesquels il ne tombe jamais. Mais ce sont des héros en ce qu’ils sont des chiens exceptionnels : beaux, puissants, intelligents, je dirai presque ambitieux. Leur puissance, leur intelligence, leur faculté d’aimer ou de haïr sont spécifiquement canines… ». Mais est-ce que Jean Dutourd est un spécialiste en psychologie canine ? Pourtant ce qu’il ajoute encore me paraît tout-à-fait pertinent : «…Les chiens de London sont des créatures dépendantes, dont la volonté est sans cesse dominée par l’homme ou par les circonstances. Par le destin surtout. C’est là l’une de ses trouvailles les plus curieuses et les plus intéressantes… Plus l’âme d’une créature est obscure et rudimentaire, plus le destin paraît inexplicable et effrayant… Il y a quelque chose de très émouvant, aussi, dans la façon dont London décrit l’expérience des chiens, comment ils perçoivent le monde, les chemins que prennent leurs sentiments et leurs passions… ». Il ajoute encore que « le bien, le mal, l’amour, la haine, la responsabilité, la rancune sont des concepts humains » mais qu’ils se retrouvent dans l’âme des chiens, « non point à l’état embryonnaire, mais selon des combinaisons originales » et que London les a entrevus et clairement exposées. Le mal et le bien sûrement pas. Trop abstrait pour l’âme d’un chien. Mais pour le reste il a certainement raison. Il aurait pu ajouter encore que les chiens ont de la mémoire… 

Voyons ce qu’il en est des chiens de Curwood. Mais il faut d’abord parler de sa biographie. Né dans le Michigan où il travaille d’abord comme journaliste il commence à visiter la baie d’Hudson en 1907, est engagé par le Gouvernement canadien pour explorer le Nord-Ouest du Canada, puis, à partir de 1909, passe pendant 18 années six mois par an dans le Grand Nord, habitant une cabane où il observe la nature et sa faune et où il écrit ses romans. Il a donc forcément une connaissance plus approfondie de cette nature, de ses habitants et de ses animaux que Jack London. Il a également une conception plus positive de cette nature sauvage que London. Il croit qu’elle est salvatrice de l’homme, alors que London la voit d’abord hostile. Certains commentateurs ont vu chez Curwood une certaine parenté avec Emerson et Thoreau qui sont eux-mêmes les prophètes des écrivains de la nature writing américaine contemporaine. Quant à son attitude envers les animaux il ne faut peut-être pas le prendre au mot quand il raconte dans la préface au Grizzly King que le fait qu’un ours qu’il chassait l’a épargné (une histoire que Jean-Claude Annaud a reprise dans son film L’Ours) a changé sa conception de la vie, passant d’ancien chasseur en conservateur de la nature (voir : James Oliver Curwood : The Grizzly King, a Romance of the Wild, édit.The Clopp, Clark Company, Toronto. Le copyright est de 1916) : « It is with something like a confession that I offer this second of my nature books to the public – a confession of one who for years hunted and killed before he learned that the wild offered a more thrilling sport than slaughter – and the hope that what I have written may make others feel and understand that the greatest thrill of the hunt is not in killing, but in letting live. ». 
Kazan date de 1914. Voir : James Oliver Curwood : Kazan, Grosset & Dunlop, New-York, 1914. Il est aux trois quarts chien husky et un quart loup. Il y a deux aspects étonnants dans cette histoire. D’abord la relation particulière du chien avec la femme. Kazan qui a été maltraité par les hommes comme chien de traîneau est tout de suite subjugué étrangement par Isobel, la femme de Thorpe auquel il a sauvé la vie. Et, plus tard, alors qu’il participe avec une horde de loups à l’attaque d’un traîneau, il se retourne contre ses compagnons quand il découvre qu’une femme avec son bébé est à bord. Et cette même relation mystérieuse entre chien-loup et femme on la retrouve dans la deuxième histoire de chiens racontée par Curwood (voir : James Oliver Curwood : Baree, son of Kazan, Doubleday, Doran & Company, New-York, 1917) : ici Bari, né de Kazan et d’une louve, donc nettement plus loup que Kazan, tombe passionnément amoureux de la belle métisse indienne Nepeese, fille d’une princesse Cree. A lire la description de la belle sauvageonne on se demande d’ailleurs si ce n’est pas l’auteur lui-même qui en est tombé amoureux. Il y a un mystère chez Curwood. A Toronto j’ai passé des heures à discuter avec David Mason qui était alors le libraire-antiquaire le plus important de la ville. Il avait tous les romans de Curwood en first edition, y compris ces fameux romans sur la guerre anglo-française, parfaitement inconnus en France, dont parle Hugo Pratt (voir ma note sur Pratt et Corto sur mon site Voyage), en particulier The Plains of Abraham, lieu de la dernière bataille perdue par les Français (David Mason était également un grand spécialiste de Richard Burton, et c’est chez lui que j’ai acheté la grande traduction des Mille et une Nuits par cet homme de génie et bien d’autres livres de Burton ou relatifs à Burton). David Mason, donc, me racontait que si Curwood était aussi francophile c’est qu’il avait épousé une Canadienne française. Or, selon Wikipédia, Curwood s’est marié deux fois, toujours avec une Américaine du Michigan. Alors, avait-il une maîtresse indienne, qu’il retrouvait chaque fois lors de ses dix-huit séjours de six mois dans sa cabane au Canada ? Ou, autre indice : toujours d’après Wikipédia, il aurait du côté de sa mère, une ancêtre mohawk !  Et, effectivement je viens de m'apercevoir qu'il écrit dans les deux préfaces à ses romans sur la guerre anglo-française, The Plains of Abraham et The Black Hunter, qu'il a une arrière-grand-mère Mohawk. Et qu'il en est fier.
L’autre élément, assez incroyable, de l’histoire de Kazan, c’est qu’il reste tellement attaché à sa compagne louve, Louve grise, qu’il continue à chasser avec elle, épaule contre épaule, alors qu’elle a été rendue aveugle dans une lutte à mort que le couple a livrée contre une femelle lynx. Est-ce possible ? A-t-il entendu cette histoire ? Dans le roman il y a un Professeur qui en est témoin, prend des photographies quand le couple, aveuglé par sa haine contre les lynx, est pris dans les pièges des trappeurs. Je n’en sais rien. 
Il n’empêche. Malgré ces aspects qui peuvent être considérés comme avoir été inventés pour rendre ses histoires plus dramatiques, je trouve que sa façon de décrire le comportement de ses héros, qu’ils soient chiens ou loups ou entre-deux, est bien intéressante. Car Curwood se pose constamment la question de savoir comment fonctionne leur cerveau. Il n’a aucun doute sur leur intelligence. Il sait parfaitement qu’elle ne fonctionne pas par raisonnement comme chez l’homme. Il sait qu’ils ont des émotions comme nous : peur, attirance, haine. Et qu’ils ont de la mémoire. Une mémoire peut-être pas organisée comme la nôtre. Une mémoire qui leur donne des visions. Et il pense que ces visions, tout-à-coup, leur paraissent être la réalité. C’est assez évident quand il raconte comment Kazan, une fois libéré, cherche à retrouver Louve grise. Vision de la baie des castors où ils étaient ensemble… et Kazan s’y précipite. Vision d’une rivière où ils ont pêché des moules. Il y court et… ne retrouve personne. Enfin vision d’un rocher où ils ont eu des petits et combattu leur ennemie lynx. Et c’est là qu’il retrouve sa Louve grise, mourante de faim. Et dans toutes ces recherches ces animaux sont aidés d’abord par leur façon de communiquer par la voix à de très grandes distances et, ensuite, par quelque chose que nous n’avons pas : un super-odorat et un mystérieux sens de l’orientation. 

Dans mon enfance on pouvait lire toutes ces histoires de bêtes dans la collection de la Bibliothèque Verte de Hachette. Une collection qui existait encore du temps de nos propres enfants. Et qui ne semble plus exister aujourd’hui. Elles ne nous donnaient pas seulement le plaisir de suivre chiens et loups mais aussi le frisson de ces contrées sauvages et de l’aventure. Voici ce qu’écrit ce poète écossais installé en France, Kenneth White, que j’ai déjà souvent cité, dans sa préface à la Route bleue (Kenneth White : La Route bleue, Bernard Grasset, 1983) : 
« Le Labrador. C’est l’année de mes onze ans que ce pays, la terre que Dieu donna à Caïn, comme le désigna le capitaine Cartier, me fit signe. Cela, je le dois à un livre et aux images qu’il contenait : des Indiens, des Esquimaux, des montagnes, des poissons et des loups blancs hurlant à la lune. C’est ainsi que, dès votre enfance, des images se gravent dans votre esprit (vous pouvez vous estimer heureux que ce soit des images comme celles-là) et que, trente ans plus tard, vous les poursuivez toujours, après avoir effectué dans l’intervalle, diverses excursions, plus ou moins hasardeuses, plus ou moins fertiles, dans les champs de la vie et de la connaissance… ». 
Croyez-moi, n’ayez pas peur de vous plonger à nouveau dans les histoires de bêtes et du grand Wild de Jack London et de James Oliver Curwood. Ces livres ne sont pas seulement faits pour les enfants. Et puis, de toute façon, pourquoi ne pas y revenir, à son enfance ? 



Annexe 

Livres de chiens 

Il semble bien que les Américains Jack London et James Oliver Curwood aient été les premiers écrivains à consacrer des romans entiers à des chiens. A des chiens du grand Nord. Le Wild. Que Jack London avait découvert en participant à la ruée de l’or au Klondike, alors que Curwood y allait d’abord pour chasser puis, pris d’une véritable passion pour cette nature sauvage, passait tous les ans six mois dans une cabane du côté de la Baie d’Hudson. Hachette, dans sa fameuse Bibliothèque Verte, va traduire et publier les deux auteurs qui vont ainsi transmettre leur passion des chiens et de la nature sauvage du Wild aux petits Français, nos parents ou grands-parents… 
1) Jack London : L’Appel de la Forêt (The Call of the Wild) (1903) 
C’est l’histoire de Buck, fils d’un Saint-Bernard et d’une chienne Collie, volé chez ses maîtres, et devenu un chien de traîneau puissant. Il devient chef d’attelage, doit souvent lutter pour sa survie, ses maîtres changent, beaucoup sont des hommes cruels. Il est, enfin, repris par un bon maître, un chercheur d’or, mais, lorsque celui-ci est tué par un groupe d’Indiens, Buck répond à l’appel de la vie sauvage et va chasser avec les loups. C’est par ce livre que London s’est vraiment fait connaître comme un véritable écrivain. 
2) Jack London : Croc-blanc (White Fang) (1906) 
Croc-blanc est un vrai chien-loup : père loup, mère chienne-louve sauvage. Attrapé par des hommes, il devient lui aussi d’abord chien de traîneau, puis chien de combat d’un maître cruel et fou. Sauvé par un bon maître, il finit sa vie dans le sud, comme gardien d’un juge dont il sauve la vie. La vie est cruelle et seuls les forts survivent, c’est un thème souvent repris plus tard par London. 
3) James Oliver Curwood : Kazan (Kazan) (1914) 
C’est une très belle histoire celle de ce chien aux trois quarts husky et un quart loup qui va rester fidèlement aux côtés de Louve grise rendue aveugle dans un combat contre un lynx. Curwood décrit la nature sauvage avec plus d’amour, même un certain mysticisme, que London. Il a peut-être aussi une plus grande connaissance de la psychologie des bêtes sauvages que London. Il croit que chiens et loups ont des émotions et une mémoire. Et une forme d’intelligence. Pourquoi pas ? 
4) James Oliver Curwood : Bari, chien-loup (Baree, son of Kazan) (1917) 
Bari est fils de Kazan et Louve grise. C’est un battant lui aussi. Et amoureux, comme l’auteur, on suppose, de la belle métisse indienne Nepeese et rempli d’une haine mortelle pour l’affreux Mc Taggart ! 
5) James Oliver Curwood : Nomades du Nord (Nomads of the North) (1919) 
Une histoire pas très vraisemblable d’une amitié entre un louveteau et un ourson. 
6) Jack London : Jerry dans l’île (Jerry in the Islands) (1917) 
On change de cadre : les Mers du Sud où naviguent Jack et sa femme et où ils récupèrent un Terrier irlandais sur un bateau naufragé et en tombent amoureux. Ainsi Jerry est un Irish Terrier et tombe dans les mains de sauvages cannibales. Et c’est ainsi que l’on apprend que ceux-ci distinguent entre le cochon court qui est aussi celui que nous mangeons et le cochon long qui est l’homme que nous ne mangeons pas. Ou ne mangeons plus… 
7) Jack London : Michaël, chien de cirque (Michael, brother of Jerry) (1917) 
Quant à Michaël il est le frère de Jerry. Il a été vendu à un méchant dresseur de chiens pour cirque. Le livre a été à l’origine de protestations massives contre ces pratiques et a conduit finalement à l’interdiction de montrer des chiens dressés dans les cirques. 

Le chien, compagnon de l’homme, est aussi souvent son souffre-douleur. L’écrivain iranien Sadeq Hedayat, extrêmement pessimiste à propos de son pays et des hommes en général, a écrit une nouvelle qui est aussi le drame de l’innocence confrontée au mal. 
8) Sadeq Hedayat : Le chien errant (la traduction française a paru dans un recueil de nouvelles, Trois gouttes de sang, en 1988) (1934) 
Un tout petit chien, jeune, mignon, arrive avec son maître, dans une grande voiture rutilante, sur la place du village. Le maître sort, le chien aussi, le maître va faire quelques achats, le chien va suivre quelques odeurs. Puis le maître remonte dans son coupé, démarre et part dans un grand nuage de poussière. Le petit chien d'abord surpris, jappe, plaintivement. Puis cherche de l'aide auprès des villageois qui le repoussent à coups de pieds. Des gamins lui lancent des pierres. Le chien hurle, affolé, va courir en boitant sur la route où flotte encore la poussière. Il se traîne sous le soleil brûlant. Jusqu'au soir. Se perd dans le désert. Sa petite tête ne comprend rien. Jusqu'à ce qu'il ne lutte plus. Jusqu'à ce que ses yeux, qui s'obscurcissent déjà, voient la grande ombre du vautour qui est assis là et qui attend. Le petit chien, c'est toute l'indicible souffrance des innocents, de ceux qui n'ont jamais fait le mal et qui ne l'ont jamais rencontré et qui souffrent tellement plus que les autres parce qu'ils ne comprennent rien. 
On peut trouver dans la littérature francophone deux nouvelles encore plus cruelles qui montrent la sécheresse de cœur de certains hommes simples comme les montagnards vaudois ou valaisans décrits par Ramuz et les Normands de Maupassant. 
9) Charles-Ferdinand Ramuz : Mousse, dans Le tout-vieux et autres nouvelles (1910) 
Un chien qu’on a gardé quand il était petit parce qu’il était amusant. Puis les bergers n’en ayant pas besoin et Mousse mangeant trop, on commence à le chasser à coups de pieds, à le battre quand il vole pour survivre jusqu’à ce qu’il soit estropié et tout sanguinolent. Enfin on a l’idée, pour économiser les cartouches, de le jeter dans un baume, ces puits sans fond qui se forment dans le calcaire. C’est le petit berger, celui qui l’avait mieux traité que les autres jusque-là, qui y avait pensé et qui va être chargé de la basse besogne. Il faut que l’écrivain lui-même soit bien dur de coeur pour pouvoir écrire une histoire pareille 
10) Maupassant : Pierrot, dans Contes de la Bécasse (1883) 
Encore une histoire de chien qu’on jette dans un trou pour s’en débarrasser, un grand puits qui s’enfonce jusqu’à vingt mètres sous terre, l’entrée d’une marnière. Cela a l’air d’être une habitude dans le pays de Caux puisqu’il y a une expression pour cela : « faire piquer du mas au chien », ce qui veut dire « lui faire manger de la marne ». 

11) Romain Gary : Chien blanc (1970). 
Romain Gary aime beaucoup les chiens (comme les éléphants d’ailleurs : voyez son chef d’œuvre, Les Racines du Ciel). En Amérique il récupère un magnifique Berger allemand, puis découvre qu’il attaque tous les Noirs du quartier. Il avait été dressé, dans le Sud, on suppose, à haïr tous les Afro-Américains. Gary trouve un dresseur noir qui se fait fort de corriger son défaut. Quand Gary vient pour récupérer son chien, celui-ci lui saute à la gorge puis se sauve, courant comme un fou à travers la circulation de Los Angeles et vient mourir devant la maison de Gary. Déchiré entre son amour pour son maître et la haine des blancs que lui avait inculquée son dresseur. Un roman magnifique. Mais, âmes sensibles, s’abstenir ! 

Le chien est aussi entré dans le roman policier. Conan Doyle s’en sert pour créer l’épouvante : 
12) Arthur Conan Doyle : Le chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles) (1901) 
Des légendes anciennes, une vielle famille aristocratique, la brume sur la lande et un chien démoniaque qui crache le feu ! Heureusement il y a Sherlock Holmes … 
Et puis le chien est devenu détective lui-même. 
13) Arthur Holman : Mon chien Rex (My dog Rex : the story of police dog Rex III) (1957) 
Une histoire véritable. Holman était policier à Londres. Rex III, berger allemand, a permis 120 arrestations en 6 années de service. Et c’est à cause de lui que Scotland Yard a mis en place un système de chiens policiers. Et c’est probablement à cause de ce chien que le héros de la plus célèbre série policière canine télévisée de ces dernières années, commencée en Autriche et continuée en Italie, s’appelle Rex ! 

Et puis il y a aussi des chiens dans le roman fantastique : 
14) Felix Salten : Le chien de Florence (Der Hund von Florenz) (1923) 
Felix Salten, Austro-Hongrois, de son vrai nom Siegmund Salzmann, journaliste et écrivain de Vienne, ami de Schnitzler et Hofmannsthal, auteur de ce Bambi qui a fait la fortune de Disney, a écrit ce roman fantastique où un homme pauvre regarde par la fenêtre un long convoi de carrosses partir de Vienne pour Florence avec le Prince héritier et, voyant un chien accompagner le convoi en gambadant, exprime le souhait d’être ce chien pour pouvoir partir lui aussi à Florence. Ce qui arrive. Encore qu’il se transforme à nouveau en homme de temps en temps, puis de nouveau en chien (ce qui ne facilite pas les amours !). Malgré ce côté fantastique la description du chien et de son caractère est très réaliste. Salten aimait les chiens. 
15) Felix Salten : Renni, chien de guerre (Renni, der Retter. Das Leben eines Kriegshundes) (1941) 
Un berger allemand formé comme chien sanitaire et chien de guerre. Un livre qui est en même temps un pamphlet anti-guerre (mort d’un cheval de guerre, dépression d’un pigeon voyageur au front, réflexions entre chiens sur la nature de l’homme !). 

Mais avec Clifford D. Simak on est vraiment dans la science-fiction. La science-fiction canine ! 
16) Clifford D. Simak : Demain les chiens (City) (1952) 
Un recueil de 8 nouvelles correspondant à des contes que se racontaient les chiens et qu’ils se sont transmis et qui sont étudiés par trois chiens exégètes. Les hommes sont revenus à une vie primitive à la campagne et ont laissé les villes aux chiens qui ont appris à parler. Et plus, puisque les exégètes chiens, historiens et philologues délibèrent sur la véracité historique et la formation des contes. Tout-à-fait étonnant ! Et un grand classique de la littérature de science-fiction. 
17) Tim Willocks : Doglands (2011) 
Ce Willocks est un sacré personnage. Chirurgien, psy, champion de karaté et de poker, auteur de policiers violents et de grands romans historiques épiques, il a aussi écrit ce roman pour la jeunesse qu’on peut classer dans la SF puisque le lévrier Furgul dont le maître méchant est propriétaire d’une écurie de courses de chiens, apprend de sa mère qu’il est métis de berger allemand et qu’il doit s’échapper pour rejoindre un endroit mythique, Doglands, où les chiens sont libres ! 

Mais c’est surtout dans d’innombrables romans pour la jeunesse que l’on trouve des histoires de chiens, de leur fidélité et de leur amitié avec les enfants. 
18) Eric Knight : Lassie, chien fidèle (Lassie Come home) (1940) 
Knight n’a écrit qu’un seul livre sur ce chien de race colley, qui a connu de multiples adaptations et suites au cinéma. Il élevait lui-même des chiens de cette race et aimait beaucoup sa chienne Tootsie, une border collie. Mais mort jeune, ce Major des Services secrets américains ne connaîtra jamais l’incroyable succès que rencontrera sa Lassie : son avion s’écrase dans la jungle de la Guyane néerlandaise. Il avait 45 ans. 
19) Mary Patchett : Frère sauvage (Wild Brother) (1954) 
L’auteure est Australienne. Elevée dans une ferme du Queensland, elle nous entraîne dans le bush et nous parle de ces chiens sauvages jaunes, les dingos. Ici deux frères dingos survivent à un grand massacre, l’un est recueilli par un chasseur, l’autre s’enfuit dans le bush magnifiquement décrit. 
20) Mary Patchett : Mirri, chien sauvage (In the wilderness) (1962) 
Mirri aussi est un dingo que le jeune Small a découvert quand il était un jeune chiot. Mais les éleveurs de moutons n’aiment pas les dingos. On les comprend… 
21) Joseph E. Chipperfield : Capi, fils de loup (1956) 
Berger allemand né dans les Alpes autrichiennes, devenu un excellent chien policier, mais mauvais chien douanier, Capi est vendu à des cinéastes américains, devient star à Hollywood et retrouve la vie libre qu’il aime en Colombie britannique. 
22) Joseph E. Chipperfield : Brave Duke (titre anglais conservé dans la publication française de la Bibliothèque Sang et Or) (1957) 
Un berger allemand échappé d’un chenil, chasse en forêt, puis attaque un mouton, est pourchassé par les paysans, blessé, puis sauvé par un homme qui le soigne. Plus tard il est entraîné comme chien de guerre et termine sa vie en chien pour aveugles. 
Ces deux romans publiés par la Bibliothèque Sang et Or sont probablement des adaptations et non des traductions. Chipperfield qui a passé sa jeunesse dans une ferme de Cornouailles, d’où sa passion pour les chiens et les chevaux, a écrit de nombreux livres pour la jeunesse racontant des histoires de chiens. Brave Duke est probablement une adaptation de Greatheart, the epic of a shepherd dog
23) Fred Gipson : Fidèle vagabond (Old Yeller) (1956) 
Travis reste garder sa ferme du nord du Texas alors que son père conduit son troupeau au Kansas. On est dans les années 1860, le Far-West de tous les dangers. Un chien errant apparaît, devient l’ami de Travis et le protège. Ce livre est un classique américain et souvent cité pour montrer quelle extraordinaire amitié peut lier un chien et un jeune garçon (Travis a 14 ans). 
24) Fred Gipson : Sam, chien du Texas (Savage Sam) (1962) 
Sam est fils du Old Yeller. Une histoire de capture par des Indiens. 
25) Dodie Smith : Les 101 Dalmatiens (The Hundred and One Dalmatians) (1956) 
A la base du célèbre film. Quand Dodie s’est mariée, son mari avait un Dalmatien, Pongo, et, après la mort de celui-ci, elle et son mari acquièrent un couple de Dalmatiens qui donne naissance non pas à 101 mais à 15 petits ! C’est dire qu’elle s’y connaît en Dalmatiens. On ne sait pas d’où Dodie a tiré la Cruelle d’Enfer. Peut-être une voisine dont elle voulait se venger ? 
26) J. W. Barrington : Jan, le chien du bord (Jan, the Dutch barge dog) (1958) 
Jan est un Spitz-Loup, aussi appelé keeshond, une espèce de chiens utilisée habituellement par les mariniers hollandais. Jan est adopté, petit, par Jan Hoek qui l’emploie plus tard sur son bateau qui navigue sur les canaux de Hollande. Lors d’une expédition en Angleterre, Jan passe par-dessus bord en pleine tempête, est recueilli par deux garçons sur un voilier, et revient, après beaucoup d’aventures, chez son maître en Hollande. 
27) Gilles Sain-Cérère : Tao, chien de choc (1958) 
Histoire indochinoise : Tao est fils d’un chien de guerre des Moïs, ethnie des hauts-plateaux et d’un chien rouge sauvage de la jungle. Il aura pour maître un Français, chef d’un poste militaire, et va combattre les chemises noires, c’est-à-dire les Vietminh ! 
28) Georges Catelin : Crack, chien patagon (1959) 
On est dans la pampa, Crack est un magnifique chien berger né en Patagonie. Auxiliaire des ovojeros, ces bergers à cheval qui conduisent d’immenses troupeaux de moutons dans les plaines du sud argentin, il sauve à plusieurs reprises la vie de son maître. 
29) Jean Muray : La bergère et son chien (1959) 
Histoire de Caillou, grand chien briard, l’ami de la douce Angélique, bergère de moutons. 
30) Hans Pederson : Eric et le chien trouvé (Magnus och skeppshunden Jack) (1961) 
Hans Pederson est un écrivain suédois qui a écrit entre autres beaucoup de romans pour la jeunesse. L’une des séries a pour héros un jeune garçon appelé Magnus qui devient Eric dans les traductions françaises. Ici Eric trouve un chien au port dans la brume, l’adopte, le nomme Jack mais le chien cherche à retrouver son bateau dont il reconnaît la corne de brume. 
31) Zacharie Ball : Le chien du shérif (Bristle face) (1962) 
Un jeune orphelin s’enfuit de chez son oncle et rencontre un chien errant qui devient son ami. Dans la veine de Old Yeller. Zacharie Ball est le pseudo de Kelly Ray Masters Sr. 
32) Louise Anker-Garin : Mon ami Caramel (1962) 
Un petit Parisien prend en charge un jeune chien blessé solitaire. 
33) Elvio Barlettani : Le chien qui prenait le train (Lampo, il cane viaggiatore) (1965) 
L’histoire, véritable paraît-il, d’un chien qui aimait voyager. Mais seulement en train. Il connaissait même les horaires. Il est devenu l’ami d’un cheminot, Elvio, et de sa fille Marina. Il visite l’Italie avec eux. Jusqu’au jour où il se fait écraser en traversant les voies par un train qui n’était pas à l’heure. On lui a dressé un monument devant la gare italienne de Campiglia Marittima. Donc c’est forcément vrai ! 
34) Cécile Aubry : Belle et Sébastien (romans et série télévisuelle) (1965) 
Quand Cécile Aubry a épousé le fils du Glaoui de Marrakech, elle a dû arrêter sa carrière d’actrice et elle s’est mise à écrire des livres pour enfants. L’histoire de Belle, chienne bergère blanche des Pyrénées a été contée à la fois dans des livres et une grande série de télévision qui a eu beaucoup de succès. Comme le chien des Pyrénées d’ailleurs. Bien qu’il soit un peu grand pour un appartement parisien. 
35) François Ponthier : Le chien Job (1973) 
Une aventure racontée par un chien : Job, le terre-neuve. François Ponthier a eu en 1976 le prix Sobrier-Arnoux décerné par l’Académie française pour des œuvres pour la jeunesse instructives et morales ! C’est bien, non ? 
36) Dagmar Galin : Les aventures d’un chien perdu (Drei auf der Landstrasse) (1974) 
Dagmar Galin n’est pas n’importe qui : ethnologue, docteure en philosophie et professeure d’université. Mais peut-être pas très conformiste. Allemande née à Berlin elle s’est installée en France après la guerre. Histoire d’un chien abandonné par une famille qui veut passer des vacances tranquilles. 
37) Jacqueline Cervon : Et si j’étais un chien… (1981) 
Le jeune Didier, furieux d’être consigné à la maison, rêve d’être libre comme un chien. Et le devient. Un cocker au poil noir frisé et aux longues oreilles pendantes. Et il verra qu’une vie de chien ce n’est pas si simple…