Pantouns français
Îles
Couchées côte à côte comme frère et soeur
les deux îles Lérins, aux noms de Saints
Couchés côte à côte, comme frère et soeur
les amants rassasiés, sa main sur son sein
Le Pointu
Jadis pêchant la sardine, le Pointu de notre ami
à présent nous promène. Destination : l’Île d’Or
Jadis pleins d’ardeur, débordant de vie
à présent sommes sereins. Destination : la mort
Miracle
Tous les matins d’ici un miracle quotidien
Le soleil se lève et la mer scintille
Tous les matins de ma vie, mon miracle quotidien
Une femme dans mon lit, et qui me sourit
L’orage
Il y a peu l'orage a éclaté
les arbres en ruissellent encore
Il y a peu j'avais une bien-aimée
j'aimerais bien l'avoir encore
(D'après un poème folklorique alsacien)
Poires blettes
Si tu ne veux pas que tes poires soient blettes
n'attends pas pour les récolter
Si tu vois qu'une fillette est prête
n'attends pas pour l'embrasser
(d'après Nathan Katz, poète sundgauvien)
La baratte
Si tu veux baratter ton lait
il te faut un tonnelet
Si t'as envie d'embrasser
il te faut une bien-aimée
(d'après Nathan Katz, poète sundgauvien)
A Gérard Depardieu
Au Jardin des Plantes un homme-forêt pleure
Ourang-outan, Kalimantan, est écrit sur sa cage
L'émigration fiscale n'est souvent qu'un leurre
Loin de Paris, on tourne en rond, on enrage
Désert
Les dunes frémissent sous le vent nocturne
Lancinant est le crissement des grains de sable
Des myriades de mondes scintillent au ciel nocturne
L'Homme dans l'Univers n'est qu'un grain de sable
Sous-marine
La petite langouste se recule dans son trou
Son antenne dépasse et elle ne le sait pas
La jeune Rosine me dit qu'elle a peur du loup
Mais son oeil la trahit et elle ne le sait pas
Automne précoce
Les vignes se couvrent de givre
Elles frissonnent. Vent d’automne
Les vieux amants s’enivrent
L’amour hiberne. Sommeil monotone
En hommage à Tomas Tranströmer
Un avion dans la nuit. Une tâche dans la forêt
La Maison d’arrêt vient d’allumer ses lumières
Le jeune prisonnier boit son verre de lait
Sa cellule : son abri. Une mère de pierres
Miroirs
Dans la mer se mire le soleil de Malaisie
Et les mouvements de la mer se mirent dans les cieux
Dans tes yeux j'ai vu mon âme, oh ma mie
Et tout au fond de mon âme j'ai retrouvé tes yeux
En hommage à Ramon Gomez de la Serna (et de ses greguerias)
Il ne sait pas lire, le vent
puisqu'il feuillette mon livre à l'envers
Il ne sait y faire, mon amant
puisqu'il veut me prendre à l'envers
(à prononcer avec l'accent berrrichon)
Retour de Sarko
L’assassin, dit-on, revient toujours
sur le lieu de son crime
Le politicien déchu rêve toujours
de revenir sur les cimes
Au Luxembourg
Au Luxembourg, en hiver, le ciel est gris
On est d’autant plus heureux quand le soleil brille
Au Luxembourg tristesse a envahi ma mie
Je suis d’autant plus heureux quand elle me sourit
Au bord de l’Alzette
Martin-pêcheur qui file sur l’eau
Tes ailes sont-elles vertes ou bleues ?
Belle inconnue qui passiez en auto
Vos yeux étaient-ils verts ou bleus ?
Des iris jaunes parsèment les rives
Et frémissent de papillons bleus
Mon cœur qui était à la dérive
Voit au loin un coin de ciel bleu
Le héron médite sur la berge
Que sont les poissons devenus ?
Le vieil homme rêve à une jeune vierge
Que sont mes amours devenues ?
Pantoun d'Antar
Damas, coupes, dagues et épées
Splendeurs étalées au souk de Marrakech
Que j'aime à baiser les épées!
Elles ont l'éclat des perles de ta bouche
Anniversaire
Un cavalier s’arrête à l’horizon
Soleil d’hiver. Silhouette gelée
Demain je fête mes 80 ans
Ma dernière saison est bien entamée
(souvenir d'un haïku de Bashô)
A propos d’un aphorisme de Karl Kraus
Sous le Lac de Serre-Ponçon
Des cloches sonnent quand meurt un ancien
La fin justifie les moyens, dit-on
Et la fin est le moyen pour oublier les moyens
En hommage à Apollinaire (écoute s'il pleut...)
Sous la lune liquide tombe la pluie
Fine et douce sur les pare-éclats
Les soldats aveugles sont à l'agonie
Et les guetteurs ont le regard las