(Réflexions à propos d’une étude de la situation linguistique en Algérie par Ibtissem Chachou)
Le hasard fait bien les choses. Quelques fois. C’est par hasard que j’ai découvert le site Academia (c’est un internaute, universitaire français de Belfast qui s’était intéressé à mes sites, qui me l’a fait connaître). C’est par hasard que j’ai accepté l’offre du site pour m’y abonner. Depuis il m’envoie des textes selon de mystérieux critères. Et c’est par hasard, probablement, qu’il me signale une étude intitulée La situation sociolinguistique de l’Algérie – Pratiques plurilingues et variétés à l’œuvre de l’universitaire de Mostaganem, Ibtissem Chachou, que je télécharge, lis d’abord sur mon IPAD, avant de l’imprimer et de la relier. Car cette étude tombait à pic pour moi. Parce que cela fait longtemps que voulais en savoir un peu plus sur la relation entre algérien et arabe classique. Y a-t-il intercompréhension ? Quelle proximité entre les deux ? Je me souviens de ce que me racontait mon ami Nadhir Mustafa, notre ancien agent en Irak, lorsqu’il venait de traverser en touriste la Tunisie, l’Algérie et le Maroc et qu’il me faisait part de son étonnement lorsqu’au Maroc il souhaitait s’entretenir avec les gens et ne comprenait rien à leur langue ! Je me souviens aussi de ce monteur, musulman, fils d’immigrés algériens, que j’avais envoyé s’occuper d’un de nos chantiers à La Mecque et à qui j’avais demandé à son retour si sa connaissance de l’algérien l’avait aidé à se faire comprendre sur place et qui m’a répondu : « non, mais mes parents m’avaient forcé à suivre les cours d’une Ecole coranique et c’est là que j’ai appris quelques éléments de l’arabe classique qui m’ont facilité la compréhension des locaux ».
Et puis j’avais découvert dans les Chroniques de Daoud une chronique à propos de la langue qui m’avait étonné à l’époque, au point d’écrire ceci (voir sur mon site Bloc-notes 2017 : Les Chroniques de Kamel Daoud ) :
Page 40 : Le Manifeste ou « quand la bouche crache sur sa propre langue », 17/10/2010
Ce texte est un violent manifeste en faveur de la langue algérienne. Rejetant l’arabe classique. « Un peuple qui n’a pas droit à sa propre langue… est un peuple malade ». « Le jour où les formulaires seront en algérien, les livres, les chants, les JT, les discours de nos politiques et nos affiches et documents, ce jour-là nous serons enfin algériens… ». J’avais l’impression, à l’époque, que Daoud était surtout opposé à l’arabe parce que c’est le principal vecteur de l’influence islamiste. Il pensait que la langue parlée par 30 millions d’habitants méritait plus que le statut de dialecte. Et je m’étais demandé si l’algérien était bien un dialecte ou non. Ne change-t-il pas, comme tous les dialectes, de l’ouest à l’est et du nord au sud ? A-t-on fait un effort pour en faire une koinè, pour en fixer écriture, orthographe et grammaire ? Mais Daoud dit que tout ceci n’a pas d’importance ! Pourtant, avais-je encore ajouté, je sais qu’un pays peut vivre avec un dialecte utilisé dans la communication orale quotidienne tout en se servant d’une langue de culture pour les livres, les journaux, les JT et bien d’autres communications : c’est le cas de la Suisse et de la cohabitation du dialecte alémanique avec l’allemand. Or l’arabe n’est pas seulement la langue des imams et des chaînes religieuses, c’est aussi la langue des écrivains d’Irak, de Syrie, du Liban, d’Egypte et d’Afrique du Nord (et accessoirement du cinéma de ces pays). Et des grands poètes de l’époque classique. Et n’a-t-on pas prétendu qu’un des grands handicaps des jeunes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient était le fait qu’ils ne lisaient rien ?
Au moment où j’écrivais cela se tenait le salon du Livre à Paris et Le Monde (du 24/03/2017) publiait une double page sur l’état de l’édition au Maroc. On y apprenait que 2700 livres (est-ce beaucoup ?) ont été publiés au Maroc sur une année entre 2015 et 2016 (100 de plus que pour la période précédente) dont 80% en arabe, 12% en français, 2% en berbère, 0.6% en espagnol et 0.5% en anglais et même « en dialecte parfois ». Mais on nous disait aussi que les Marocains lisent peu, qu’on rencontre rarement des librairies en-dehors des grandes villes, que les bibliothèques aussi sont bien peu nombreuses, que la lecture n’est pas une habitude dans la culture marocaine et qu’elle devrait être beaucoup plus stimulée dans les écoles. La situation algérienne est-elle encore pire que cela, me suis-je demandé. Et, si oui, le renforcement de l’algérien aux dépens de l’arabe irait-il dans le bon sens ?
C’est là que l’étude d’Ibtissem Chachou présente tout son intérêt. Car elle donne raison à Daoud et explique pourquoi. La Professeure Ibtissem Chachou est actuellement enseignante et chercheuse au Département de Français de la Faculté des Langues Étrangères de l'Université de Mostaganem (sa thèse a été publiée par L'Harmattan en 2012). Elle commence par rappeler l’histoire, en citant à plusieurs reprises d’autres chercheurs.
Le projet des nationalistes arrivés au pouvoir après l’Indépendance « visait une restauration rapide de la civilisation arabo-musulmane en Algérie » (Yelles). Ben Bella déclare en 1963 : « l’arabisation est nécessaire, car il n’y a pas de scolarisation sans arabisation ». Cette politique d’arabisation avait alors deux objectifs « l’un explicite, l’autre implicite. Le premier consistait à remplacer la langue française par la langue arabe dans tous ces usages (usages officiels jadis occupés par le français) en Algérie, le second visait à faire tenir à la langue standard unique la place des langues parlées multiples, arabes et surtout berbères » (Grandguillaume). Et la Professeure Chachou continue en expliquant que c’est ainsi que « l’arabe institutionnel dit aussi « littéraire », « moderne », « littéral », « standard », « coranique », « classique » et « scolaire » occupe le statut de langue nationale et officielle de la République algérienne, depuis 1962… La politique linguistique prônée par l’État algérien visait à remplacer le français par l’arabe. Car le français, langue officielle de l’Algérie colonisée, était de fait perçu comme « la langue du colonialisme, introduite par lui, langue des chrétiens oppresseurs de l’Islam et négateurs de l’identité algérienne : aspect ressenti, mais aussi inculqué sans cesse par la propagande officielle et les partisans d’une arabisation monolingue » (Grandguillaume). Opter pour l’officialité de la langue arabe, revenait également à imposer un modèle linguistico-culturel puissant face à l’ancien colonisateur. Un modèle fort car partagé par un ensemble de « pays arabes » formant la « Oumma » équivalent du mot « nation », qui revendique les mêmes appartenances idéologiques, linguistiques, culturelles et religieuses. Ce projet, objet d’une lutte ancienne, participait de « la restauration rapide de la civilisation arabo-musulmane au Maghreb (Yelles) dont la finalité était d’inverser la donne identitaire qui se voulait emblématique du recouvrement de la souveraineté nationale ». On comprend l’influence du nassérisme et de son panarabisme dans cette histoire…
Cette politique entraîne plusieurs conséquences néfastes. D’abord la langue algérienne se voit imposer le statut d’un dialecte et est du coup dévalorisée. Les enfants sont plongés à leur arrivée à l’école dans une langue qui n’est pas celle qu’ils pratiquent. Et le mal est d’autant plus grand quand on impose la même contrainte à des enfants à la maternelle alors que la maîtrise de leur langue maternelle est loin d’être obtenue (en-dessous de six ans). Quant aux langues berbères elles sont carrément oubliées (et c’est de là que vient le premier coup sévère, obligeant le Gouvernement à faire du berbère une langue nationale).
L’algérien n’est pas un simple dialecte arabe, affirme Ibtissem Chachou. D’abord qu’est-ce que c’est qu’un dialecte, demande-t-elle. Et elle cite le fameux Cours de linguistique générale de Saussure qui aurait « démontré qu’aucun critère scientifique qui soit interne à la langue n’autorise la distinction entre langue et dialecte ». Et elle cite d’autres linguistes encore (dont Sapir et Todorov) pour affirmer que « la différence réside dans le statut socioculturel ou politique qui est accordé ou pas à la langue et quand bien même il le lui est accordé, on est en droit de s’interroger en fonction de quels critères cela s’effectue-t-il ». C’est vrai mais il n’empêche qu’il y a une différence entre une langue qui est standardisée et une autre qui ne l’est pas. Et la différence ne réside pas seulement dans le fait que la langue non standardisée varie très rapidement d’un endroit à l’autre mais le fait même de ne pas être standardisée et de ne pas apparaître sous une forme écrite engendre d’autres caractéristiques. Je ne suis pas linguiste mais j’ai suffisamment étudié le cas du dialecte alsacien et des autres dialectes germaniques pour le savoir. J’ai souvent cité, à propos de la poésie dialectale surtout, ce qu’écrit Weise, le spécialiste allemand des dialectes (voir : Prof. Dr. Oskar Weise : Unsere Mundarten, ihr Werden und ihr Wesen, B. G. Teubner, Leipzig-Berlin, 1910) : Le dialecte n’a pas de termes abstraits… Le dialecte aime la métaphore, l’image. Le parler populaire préfère employer la comparaison plutôt que l’adjectif, la comparaison lui est naturelle, et elle est toujours expressive. Il préfère le style actif au passif, le verbe à l’adjectif. Et quand il emploie l’adjectif il le renforce, le double, en intensifie la qualité. D’ailleurs le dialecte pratique l’exagération. Le dialecte pratique l’humour, la moquerie. Le dialecte aime le concret. Il veut être clair. Il veut que cela ait du sens. Il est direct. Il n’aime pas les longues phrases du haut-allemand… Le dialecte n’utilise pas de circonlocutions pour parler des choses du corps (ce n’est que pour parler de surnaturel, de Dieu, du diable, qu’il est prudent et préfère ne pas les désigner directement). Le vocabulaire du dialecte est riche. Il sait nommer tout ce qui fait son environnement. Il possède plein de synonymes (mais je crois que c’est aussi le cas de l’arabe littéraire). De plus il crée des mots, surtout par l’imitation de sons, par onomatopées, ce qui explique peut-être cette richesse en verbes qui caractérise la langue allemande… Enfin, comme le dialecte est très conservateur, il conserve des mots anciens, des sens anciens de mots actuels et, également des prononciations anciennes. Et moi j’ajoutais à ce panégyrique ceci : le dialecte est tendre et le dialecte a du coeur. Voir ce que j’en dis, dans la partie relative à la poésie dialectale, au tome 3 de mon Voyage autour de ma Bibliothèque dans ma note intitulée : Culture régionale, dialecte alsacien, bilinguisme, multilinguisme.
Mais la différence entre langue standardisée et dialecte ne vient-elle pas justement de la standardisation ? Qui fixe la langue une fois pour toutes, l’empêchant de vivre ? D’être libre ? Ou la différence vient-elle de l’écriture, différence entre une langue qui est écrite et qui est plutôt celle de l’élite, et le dialecte qui est oral et langue populaire ? Comme je l’ai dit, je ne suis pas linguiste mais je ne crois pas qu’on peut parler dialecte d’une manière générale alors que les conceptions sur ce sujet sont tellement éloignées entre un pays comme la France, ancien et centralisé, et l’Allemagne (ou l’Italie), pays neuf, à l’unité récente, qui était jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, dirigé par un Conseil des Princes représentant les 27 Principautés ou royaumes qui constituaient l’Empire de Bismarck et qui est encore aujourd’hui un pays fédéral. Un pays où un linguiste comme le Professeur Kluge pouvait encore écrire en 1920 (!) (voir : Friedrich Kluge : Deutsche Sprachgeschichte – Werden und Wachsen unserer Muttersprache von ihren Anfängen bis zur Gegenwart, édit. Quelle und Meyer, Leipzig, 1920) : « Quand la langue écrite devient langue populaire aux dépens des dialectes, il y a risque de dessèchement des sources vitales où la langue écrite a puisé, depuis toujours… Ceux qui se soucient de la vie de la langue écrite, doivent se soucier de celle des dialectes populaires. Il est du devoir de tous ceux qui sont appelés à veiller sur l’avenir de la langue allemande, de continuer à favoriser la pratique des dialectes régionaux ».
On voit qu’il y a un abîme dans ce domaine comme dans d’autres, entre la culture allemande et la culture française. On connaît les jugements terribles exprimés par les intellectuels de la Révolution française. On connaît la longue lutte du Nord contre le Sud sur le plan linguistique (et pas seulement). On se souvient encore comment l’Education Nationale française a coiffé de bonnets d’âne les enfants qui continuaient à parler leur langue maternelle dans les cours d’écoles. Quand on parle aujourd’hui de langues minoritaires de France comme pour cette Anthologie poétique des langues minoritaires de France à laquelle j’ai collaboré, on pense à l’alsacien, dialecte germanique, au basque, langue non indo-européenne, partagée avec une grande région indépendantiste d’Espagne, au breton, langue celte, au catalan, langue latine partagée avec une grande région économiquement puissante d’Espagne, au corse, dialecte italien, et à l’occitan dans ses différentes variantes, la fameuse langue d’oc que la langue d’oïl a réussi à dominer et éliminer de l’espace public. Quant aux véritables dialectes du français on les traite avec mépris de patois, pour ce qu’il en reste. C’est le cas du vosgien parlé à l’ouest du massif et même dans certains fonds de vallées du côté alsacien où on l’appelle welche. Ou du picard-ch’ti, alors que c’est dans cette langue, croyait t’Serstevens, que Rustichello avait d’abord transcrit le Livre des Merveilles que lui dictait Marco Polo alors qu’il languissait pendant trois ans dans les geôles de Gènes. Si je m’étends un peu longuement sur ces exemples allemands et français, c’est que j’ai l’impression, impression partagée, semble-t-il, par Ibtissem Chachou, que les intellectuels de l’Indépendance algérienne n’étaient pas seulement influencés par le nassérisme, mais peut-être également par le jacobinisme des Révolutionnaires français…
Mais revenons au cas algérien. L’arabe « institutionnel » appelé aussi langue nationale – à tort, estiment un certain nombre de linguistes que Ibtissem Chachou cite, peut-être par prudence – « n’est la langue première d’aucune communauté linguistique et elle n’a de ce point de vue-là aucun locuteur natif ». Et là encore, si on se réfère à d’autres exemples historiques, on s’aperçoit que la situation algérienne a quelque chose d’unique. Ce que les Grecs ont appelée koïnè n’a jamais été une langue étrangère à leur peuple. La langue commune qui s’est imposée à tous, malgré les grandes divergences politiques entre les cités, mais sous la menace perse, a été celle parlée à Athènes, l’attique, qui était aussi, il est vrai, « la langue des hommes cultivés, celle qu’employaient les philosophes, les orateurs, les poètes comiques, celle qu’admettait officiellement la cité dans ses décrets et ses inscriptions » (voir A. Meillet : Aperçu d’une Histoire de la langue grecque, Hachette, 1930). En Allemagne c’est un évènement historique (comme c’est souvent le cas, dit Ibtissem Chachou) qui a conduit à l’adoption du « haut-allemand » : la traduction des Evangiles par Luther en 1522 et de la Bible complète en 1534. Evènement précédé par un autre tout aussi important : l’invention de l’imprimerie au siècle précédent dans la vallée du Rhin. Or Luther avait adopté pour sa traduction une langue qui faisait encore partie des langues de la Moyenne-Allemagne mais comme elle correspondait au haut-saxon-thuringien (région de Meissen), elle était beaucoup plus proche des langues de la Haute-Allemagne (c. à d. du Sud), bavarois-autrichien, wurtembergeois et alémanique de l’Alsace et de la Suisse. Et c’est cette langue qui s’est imposée même au nord, surtout au nord, dont le bas-allemand était pourtant bien éloigné mais qui a adopté avec enthousiasme la nouvelle religion. Quant aux écrivains qui sont arrivés ultérieurement, c’est par opportunisme qu’ils ont choisi, peut-être aussi poussés par leurs imprimeurs, de s’exprimer dans la langue de Luther devenue tout naturellement langue nationale. Quand les Hollandais qui parlaient un dialecte bas-allemand, ont décidé de se munir d’une langue écrite nationale, c’est celle du Nord, d’Amsterdam qu’ils ont adoptée (et une amie native d’Utrecht, dans le Sud, prétend que pendant longtemps, les speakerines de la radio et de la télé étaient toujours, obligatoirement, originaires d’Amsterdam !). On sait comment la France, bien avant la Révolution, a choisi la langue d’oïl, celle parlée dans l’Anjou (aujourd’hui on raconte que c’est là qu’on parle le plus beau français. Facile : c’est leur langue qu’on a adoptée !), contre la langue d’oc du sud. En Italie c’est encore un évènement, l’unification par Garibaldi, qui a probablement imposé définitivement une langue nationale : celle de la Toscane, même si elle était probablement déjà bien établie (car elle était aussi, jugez du peu, la langue de Dante, de Pétrarque et de Boccace. Au fond la langue de Florence s’est imposée comme celle d’Athènes, grâce à la supériorité de sa civilisation). On pourrait encore multiplier les exemples. En Chine c’est le mandarin, langue de Pékin, qui a été imposée à l’ensemble de la population (par l’école). En Indonésie les indépendantistes ont choisi le malais comme langue nationale, ce qui a certainement dû être bien douloureux pour la majorité de la population de Java qui parlait le javanais, langue de la même famille linguistique mais sans la moindre inter-compréhension avec le malais. Mais ceux qui ont fait ce choix avaient leurs raisons qu’il serait trop long de détailler ici. Disons simplement que le fait que la Malaisie voisine parlait la même langue n’a joué aucun rôle dans ce choix. Et qu’aujourd’hui il n’y a pratiquement aucune coopération linguistique entre les deux pays et qu’il est bien possible qu’à l’avenir, les deux langues, malais de Malaisie et malais, appelé indonésien, d’Indonésie vont diverger. Elles l’ont peut-être déjà fait !
Qu’en conclure ? Que chaque cas est différent mais que jamais une langue est devenue langue nationale sans qu’une partie, au moins, de la population ne la parle ! Voilà donc un premier point sur lequel il faut donner raison à Ibtissem Chachou et à Kamel Daoud. Mais si la volonté des officiels était de remplacer l’algérien par l’arabe institutionnel, comme semblent le montrer les textes, faire de cet arabe un « moyen de communication sociale », c’est plutôt raté. Ainsi Ibtissem Chachou, toujours prudente, cite le linguiste Chériguen qui écrit : « l’arabe littéral reste toujours la langue intra-muros des écoles, comme toujours, il n’a pas gagné la rue et la vie quotidienne, car sérieusement concurrencé, voire éliminé par l’arabe algérien, le berbère et le français ».
Mais avant de parler de la situation de ces langues, je voudrais encore évacuer le premier problème soulevé par la chercheuse, le dégât occasionné à l’enfant qui entre à l’école et qui est immergé dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. Elle a des termes très sévères à ce sujet. Elle trouve qu’en milieu scolaire, « le processus de construction/structuration identitaire de l’enfant se verra brusquement interrompu ». Et comme les acteurs de l’école algérienne interdisent « l’usage de sa langue maternelle qui y est souvent stigmatisée et dépréciée », « l’enfant assiste dès lors à la dévalorisation de son être social qui pâtit de la condamnation de ce qu’il est en société et de ce qu’on lui refuse d’être ou de demeurer à l’école ». Elle va même jusqu’à craindre les effets négatifs sur « son développement psycho-cognitif et son équilibre psychoaffectif ». Cela me fait penser au poète alsacien Claude Vigée qui racontait combien était douloureux l’apprentissage du français à l’école alors que l’Alsace était encore largement dialectophone (avant la deuxième guerre mondiale). Et d’abord humiliant : « une petite erreur du destin qui nous avait fait grandir dialectophones, c’était comme si nous étions idiots, bossus, bègues ou boiteux. Nous étions au départ des infirmes linguistiques… ». Michèle Finck, Universitaire et sœur d’un grand poète alsacien, qui introduit l’œuvre poétique française de Claude Vigée, raconte elle aussi combien l’imposition du français dès l’école primaire (à six ans), « arrachant ainsi l’enfant au dialecte alsacien du foyer, langue substantielle pétrie de la pâte du réel et de l’immédiateté physique » a été un véritable traumatisme. Elle prétend même que « le choc l’a rendu muet ». Pour un moment. Ce qui ne l’a pas empêché de manier plus tard cette langue française avec une somptuosité remarquable ! Or ce choc et cette humiliation des millions d’enfants de France les ont subis pendant des dizaines d’années (moi j'ai dû apprendre le français quand j'avais dix ans en 45 et de grandes affiches proclamaient : c'est chic de parler français ! Ce n'était pas humiliant, ça?). Et cette même souffrance les enfants des immigrés portugais l’ont subie, encore tout récemment, en entrant dans l’école luxembourgeoise où les premières années du primaire ne connaissaient que le luxembourgeois et l’allemand (et une ou deux heures par semaine d’une langue latine, le français). Tout ceci pour dire que les petits Algériens ne sont pas les seuls à souffrir ce que de nombreux enfants dans le monde souffrent ou ont souffert eux aussi au moment d’être scolarisés. Ce qui n’empêche qu’on aurait peut-être pu leur éviter cette souffrance. Surtout quand on pense qu’il s’agit de la nation entière !
Et puis, surtout, dit à peu près Ibtissem Chachou, on handicape durablement l’enfant algérien dans la véritable maîtrise non seulement de sa propre langue mais dans celle des autres langues. Elle cite Hagège qui affirme : « c’est à travers elle (la langue maternelle) qu’il découvre le monde et apprend à le structurer ainsi qu’à y déceler des parentés et à l’organiser en catégories ; c’est elle qui lui fournit les bases cognitives qui fondent son dialogue avec son environnement physique, social et intellectuel ». Il faudrait donc, tout au contraire de ce qui se pratique actuellement, instruire d’abord l’enfant dans sa langue maternelle, algérien ou kabyle, avant de lui apprendre l’arabe classique d’une part, le français ou autres langues internationales d’autre part. Alors qu’avec le système présent on ne fait que fabriquer, aurait dit un ancien Ambassadeur américain en Algérie, des « trilingues analphabètes » !
Ibtissem Chachou sait très bien qu’aucun changement dans l’enseignement linguistique scolaire n’est possible sans une décision politique. Et qu’une telle décision est hautement improbable dans les circonstances présentes. Cela ne l’empêche pas de réfléchir à ce qu’il faudrait faire pour rendre l’enseignement de l’algérien efficace. Première condition : « la stabilisation des formes langagières en langue maternelle (arabe algérien) et le renforcement de sa maîtrise pour un efficient apprentissage des langues secondes ». La deuxième se place sur « le plan culturel ». « Il me semble important », dit-elle, « que l’enseignement… cible la connaissance puis l’assomption de l’identité culturelle de l’apprenant, une identité séculaire, plurielle, composite et évolutive, l’enseignement ne pouvant plus se réduire à l’inculcation d’une identité fabriquée et assignée par l’idéologie de l’école officielle ».
Alors, comme les créations culturelles modernes en langue algérienne ont peu de chances de faire leur entrée à l’école (elle cite : « chanson, poésie…, proverbes, théâtre, cinéma, blagues, publicités, etc. »), Ibtissem Chachou propose d’intégrer des textes plus anciens, de langue algérienne, comme la poésie du Melhûn, qui date du XVIème siècle et relate de grandes batailles de l’époque, mais cette poésie algérienne a continué à exister, dit-elle, au cours des six siècles qui ont suivi. Elle y voit « une valeur linguistique » (ce sont des « textes écrits en langue maternelle » (algérienne) mais qui appartiennent à « un registre écrit et élaboré »), « une valeur esthétique » (d’autant plus, dit-elle, que « de nombreux textes du répertoire du Melhûn sont chantés dans divers genres musicaux dont le raï, le chaâbi, le hawzi ») et enfin « une valeur documentaire » (c’est-à-dire historique).
Cela me fait penser à la geste hilalienne célèbre tout particulièrement en Tunisie. J’en ai parlé à la fin de mon étude des Contes merveilleux au tome 2 de mon Voyage autour de ma Bibliothèque parce que je m’émerveillais de ce miracle qu’est la transmission orale s’étendant sur des siècles (Afrique des griots et conteurs de Turquie et du Moyen-Orient), (voir : Contes merveilleux et populaires d’Europe). Les Béni-Hilal ou Banou Hilal étaient une association de quatre grandes tribus de Bédouins qui ont envahi l’Afrique du Nord en 1051-52, ravageant d’abord la Tunisie, raconte Ibn Khaldoun, avant de pousser plus loin, jusqu’au Maroc, et de participer à l’arabisation des populations berbères. Ils ont aussi guerroyé contre les Arabes qui avaient déjà islamisé et conquis le pays auparavant, mais se sont surtout battus entre eux jusqu’à s’exterminer presque complètement. La Geste hilalienne de Tunisie est en réalité le 3ème cycle d’une Geste encore plus vaste (mais les deux premiers cycles se passent au Moyen-Orient). Mais ce dernier cycle est superbe, rempli de combats et d’histoires d’amour, le grand Chevalier (noir comme Antar) Diab, et la superbe Jazia mariée contre son gré et qui va apporter le malheur sur son peuple :
« Descendant sur sa gorge, ses lourdes nattes l’habillent
Noires, foncées, semblables aux ténèbres de la nuit
Ses yeux lorsqu’elle les dirige
Sont des flèches qui frappent comme en un jour de mort. »
Le recueil que j’avais découvert à l’époque est celui-ci : La Gestion hilalienne, version de Bou Thadi (Tunisie), recueillie, établie et traduite de l’arabe par Lucienne Saada, Récitation de Mohammed Hsini, Gallimard, 1985. Lucienne Saada, chercheuse au CNRS et nièce du sociologue né en Tunisie Gaston Bouthoul, avait rencontré Mohammed Hsini en 1974 et l’a enregistré en 20 heures d’écoute entre 1974 et 1980. Ce que j’avais trouvé extraordinaire à l’époque c’est que cette geste qui a été composée, au plus tôt au XIème siècle, au plus tard au XIVème, a été héritée à un moment donné par les ancêtres de Hsini et récitée par cette famille de père en fils depuis 250 ans ! Huit à neuf générations !
Mais ce qui me paraît important aujourd’hui, après avoir lu l’étude d’Ibtissem Chachou et ce qu’elle dit du Mehnûn algérien, c’est que toutes les récessions orales connues de la Geste hilalienne tunisienne « sont en dialectal », dit Lucienne Saada, et « les récessions écrites en langue classicisante ou classique ». Donc une version orale une fois transcrite devient un texte important de la langue dite dialectale, tunisienne, proche de l’algérienne, je suppose. Plus tard j’ai encore découvert une autre étude de certaines versions tunisiennes de la Geste hilalienne : voir : Histoire des Beni Hilal, et de ce qui leur advint dans leur marche vers l’ouest, versions tunisiennes de la geste hilalienne, publiées par Micheline Galley et Abderrahmane Ayoub, Armand Colin, Classiques africains, 1983. Micheline Galley, dans son introduction, écrit, après avoir retracé en détail toute l’histoire des Beni Hilal en Afrique du Nord, qu’ « une tradition écrite, ou mieux fixée par l’écrit, s’est développée sans doute tardivement… Elle coexiste, surtout en Orient, avec la tradition orale. Elle s’en distingue par le caractère de la langue ». Les textes sont plus châtiés, dit-elle encore. Ils recherchent « le prestige d’une langue savante qu’ils maîtrisent mal ». Et « se privent en même temps des richesses expressives de la langue du poète-conteur ». Les auteurs de ce travail ont recueilli trois versions partielles de la geste. La première est un texte du sud tunisien recueilli par l’ethnologue Gilbert Boris, probablement à la fin de la guerre 39-45, la deuxième est la transcription d’un document sonore enregistré en 1969 par Germaine Laoust dans le sud également, à Téchine et la troisième provient d’un enregistrement réalisé en 1975 par l’un des auteurs de l’étude, Abderrahman Ayoub, à Béja, dans le nord-ouest de la Tunisie. Les trois documents sont en langue vernaculaire, donc en tunisien.
Le retour au Mehnûn a un autre avantage c’est de montrer que la langue algérienne a une histoire et ne peut donc être traitée comme un simple dialecte. Continuellement dévalorisé par les tenants de l’arabe institutionnel. Et auquel les locuteurs de l’arabe algérien ont des difficultés à s’opposer. Ils sont bien obligés de constater les ressemblances au niveau lexical, dit Ibtissem Chachou. Un apparentement évident. « Lequel apparentement constitue en soi la preuve d’une période où on parlait un « arabe pur » mais qui, par la suite, s’est dégradé car ayant intégré plusieurs mots d’origines étrangères ». Mais cet « apparentement » ne semble pas signifier intercompréhension. Du moins c’est ce que je crois comprendre (un linguiste français, Marçais, parlait de « deux états d’une même langue » plutôt que de « deux langues ». Mais ajoutait : langues pourtant « assez différentes pour que la connaissance de l’une n’implique pas la connaissance de l’autre : assez semblables pour que la connaissance de l’une facilite considérablement l’acquisition de l’autre ». Et il disait aussi sa perplexité devant cette situation, montrant que le problème devait déjà constituer un casse-tête pour l’Education française du temps de la colonisation : « … une sorte d’animal à deux têtes, et quelles têtes ! Que les programmes scolaires ne savent pas comment traiter, car ils ne sont pas faits pour héberger les monstres »). Alors qu’il y a intercompréhension entre parlers arabes algériens, non seulement d’un bout de l’Algérie à l’autre, mais aussi avec les parlers arabes tunisien et marocain. Et Ibtissem Chachou cite d’autres linguistes. Chériguen : « Que doit l’arabe dialectal à l’arabe classique si ce n’est une partie certes non négligeable de son fonds lexical ? Mais depuis quand définit-on une langue sur la base de son lexique ? ». Benrabah : « l’arabe maghrébin en général, et algérien en particulier, se distinguent de leurs cousins proche orientaux du fait de la présence, au moment de la conquête arabe, de « substrats » différents sur lesquels sont venus se greffer les nouveaux idiomes… et par la suite, la distance géographique, le temps et le contexte socioculturel différents ont fait que l’arabe algérien s’est diversifié à son tour ».
Oui, mais il y avait aussi des substrats importants dans le nord du Moyen-Orient, Syrie, Liban, Egypte. Phénicien ? Copte, c. à d. l’ancien égyptien ? Le grec des intellectuels ? Alors qu’en Afrique du Nord, si le punique existait peut-être encore en Tunisie, le grand bloc de langues qui devaient dominer alors était le bloc des langues berbères, me semble-t-il. Et ce berbère n’a-t-il pas laissé des traces dans les langues arabes maghrébines ? On n’en parle pas.
Mais parlons du berbère. Pour les berbérophones l’institution d’une langue arabe étrangère était encore plus difficilement acceptable. Pas le moindre lien avec leur langue maternelle. Alors que l’arabe algérien aurait, peut-être été acceptée plus facilement, puisque beaucoup de berbérophones le parlaient, bien obligés, dans leurs contacts avec leurs concitoyens arabophones. Et puis les Berbères ont toujours eu des tendances autonomistes au cours de l’histoire de l’Algérie (d’ailleurs les Français les y ont peut-être poussés à cela, selon le fameux principe : diviser pour régner). Des protestations ont eu lieu dès l’Indépendance (les berbéristes). Mais c’est surtout à partir de 1980, nous dit Ibtissem Chachou, que la revendication berbère s’organise. Des « grèves du cartable » apparaissent en 1995-96. Et puis il y a les émeutes sanglantes de Kabylie de 2001. Elle parle de « printemps noir » et de 125 morts tombés sous les balles des forces de l’ordre. Alors Bouteflika, dans un discours de mars 2002, déclare le tamazight langue nationale. Le problème c’est que ce fameux tamazight est encore une fois, si je comprends bien, une langue un peu artificielle. Car il y a beaucoup de variantes parlées en Algérie et ceci dans des régions souvent bien éloignées les unes des autres. Le kabyle, mais aussi le mozabite parlé dans le Mzab, le chaoui dans les Aurès, le targui dans le Sahara, entre autres. Les textes officiels reconnaissent « la variation », mais encore faut-il « unifier les variantes ». Quand ? Comment ? Demande Ibtissem Chachou. Son étude date de 2012. Selon Wikipédia il semble bien qu’aujourd’hui ces normalisations ont été faites et que les différentes variantes du berbère sont enseignées à l’école. Et Daoud, dans une chronique qui date du 6 janvier 2016, intitulée : Un grand pas pour la langue, un petit pour le reste, nous apprend qu’on est allé encore plus loin : « le 5 janvier 2016, grâce à la réforme de la Constitution votée au Parlement algérien, le tamazight passe du statut de langue nationale à langue officielle ».
Et que devient le français dans cette histoire ? Si l’adoption de l’arabe classique comme langue d’enseignement à l’école a eu pour raison principale d’éliminer la langue du colonisateur, cela paraît plutôt raté. 60% des Algériens parlent toujours le français, nous dit-on (les informations que l’on peut recueillir sur le net semblent le confirmer), et peuvent être considérés comme des « francophones réels ». Et 30% encore seraient des « francophones occasionnels ». A l’Université les sciences et la médecine sont enseignés en français (ce qui pose un problème car beaucoup d’étudiants doivent perfectionner leur connaissance de la langue à cause de l’insuffisance de l’apprentissage du français dans le secondaire). Un certain nombre de documents officiels sont rédigés dans les deux langues, arabe et français. Des officiels parlent souvent en français, même le Journal officiel de la République algérienne publie des textes en français. Et puis, surtout, le français a toujours une place prépondérante dans la presse. Au moment où Ibtissem Chachou publiait son étude il y avait, en plus des quotidiens locaux, 25 titres nationaux francophones. Un peu moins que les titres arabophones. Mais en circulation, la presse francophone était supérieure à l’arabophone. Elle reconnaissait néanmoins que cette circulation avait tendance à diminuer. Et tout récemment, un article du Monde indiquait que la situation de la presse francophone était en train de se détériorer sérieusement parce que la presse en Algérie dépend essentiellement de la publicité et que le Gouvernement lui retire massivement la publicité institutionnelle (voir : El Watan, fleuron de la presse algérienne, menacée de disparition, article de Karim Amrouche, Le Monde du 28 juillet 2022). On y apprend qu’on « s’achemine vers la fermeture définitive » de ce journal de référence qu’est El Watan. Et que le journal Liberté dans lequel le grand caricaturiste adoré de mon frère, Dilem, faisait paraître ses dessins, a déjà été sabordé par son propriétaire il y a trois mois. Moi aussi j’admire beaucoup Dilem et je me souviens encore de ce dessin qu’il avait publié à l’occasion d’un anniversaire de l’Indépendance algérienne : on y voyait planté dans le désert un piquet avec le drapeau de l’Indépendance et puis les traces de pas dans le sable faisant un grand cercle à partir du piquet jusqu’à un bonhomme revenu tout près du piquet, et puis la légende : c’est quand même formidable tout le chemin qu’on a fait dans ces 40 ans depuis l’Indépendance !
Il n’empêche. La langue française est toujours présente en Algérie. Il y a d’ailleurs une autre raison à sa survie qu’Ibtissem Chachou ne cite guère, ce sont les liens étroits familiaux qui subsistent entre Algériens d’Algérie et Algériens de France.
Cette francophonie conduit à un curieux phénomène linguistique qu’elle étudie en détail : un mélange entre les deux langues, peut-être comparable à ce qui a existé à un moment donné à Beyrouth et qu’un linguiste libanais, Selim Abou, a étudié et qu’il a nommé le surdialecte (voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, tome 1er, Littérature méditerranéenne).
Et puis Ibtissem Chachou étudie longuement les langues dans les médias et, surtout, de la publicité. Cela représente près de la moitié de son étude de 300 pages. Et cela m’intéresse beaucoup moins. Tout au plus cela m’amuse. Et me fait repenser à Daoud qui, dans une chronique datée du 11 mai 2015 et intitulée : La vieille erreur du « consommer algérien », racontait qu’un matin, sous le soleil d’Oran, il découvre une affiche « qui incite à consommer algérien, mais pas en langue algérienne. En arabe dur et fermé ». Et il s’insurge : « pour inciter les gens à consommer algérien, il fallait au moins le faire en algérien ». « Consommons algérien doit commencer par : acceptons l’Algérien, pensons algérien, aimons l’Algérien ». « Consommons l’algérien doit commencer par notre langue. C’est meilleur pour la nation et pour les modes d’emploi et les posologies ».
En conclusion : ai-je acquis une meilleure compréhension de ce qui sépare et ce qui rapproche l’arabe algérien et l’arabe classique ? Pas vraiment. Je crois que pour vraiment comprendre les rapports entre deux langues il faut au moins avoir des notions de l’une d’elles.
Suis-je convaincu de ce qu’elle souhaite comme beaucoup d’autres linguistes et intellectuels algériens : commencer l’éducation en algérien, puis enseigner les deux langues étrangères qui comptent pour le pays, l’arabe classique et le français ? Oui, certainement. D’autant plus que le multilinguisme est un grand avantage, un énorme atout pour la culture et l’ouverture d’esprit. Et que l’Algérie est déjà bilingue ou multilingue à la base, berbère, algérien, francophone !
Il reste beaucoup de questions ouvertes (pour moi). Que font le Maroc et la Tunisie ? Dans une note de bas de page on semble dire qu’on prend mieux en compte l’arabe parlé dans leurs systèmes éducatifs. Est-vrai ? Comment ?
Comment le Maroc résout-il le problème de la diversité des langues berbères ? Si les berbérophones représentent 25% de la population algérienne, ils sont plutôt de l’ordre de 45% au Maroc. Et cela m’étonnerait que les langues du Riff, du Moyen-Atlas et du grand sud soient les mêmes.
Et pour finir qu’en est-il vraiment des pays du nord du Moyen-Orient ? Quels rapports entre arabe libanais, arabe égyptien et arabe classique ? Ces langues locales sont-elles plus proches de la langue dite classique que les langues maghrébines ? Quel dommage que mon ami Fouad ne vit plus depuis si longtemps !
Et le cinéma arabe ? Quand j’ai parlé de cet élément essentiel de la culture arabe globale j’oubliais que c’est un art où dominent les dialogues. Et ces dialogues, ils sont comment ? En langue libanaise ? syrienne ? égyptienne ? marocaine ? Il faut que je retourne au Festival du cinéma arabe de Fameck. Et demande aux metteurs en scène présents…