Depuis ce matin les députés luxembourgeois ont entamé la discussion, en deuxième lecture, de la loi sur les soins palliatifs et sur l’euthanasie et le suicide assisté. Les obstacles n’ont pas manqué jusqu’ici. D’abord le Conseil d’Etat a fait obstacle, demandant des modifications et imposant une deuxième lecture. Ensuite le chef de l’Eglise locale a fait campagne contre la deuxième partie de la loi (euthanasie et suicide assisté). Un message épiscopal a été lu dans les églises le 8 décembre dernier, déformant certains aspects de la loi (le journal Le Quotidien a interpellé son auteur en première page, rappelant le commandement : Tu ne mentiras pas !). Pourtant ce fameux message mettait les choses en place, montrant que l’argument de base de l’Eglise dans cette bataille n’est pas le commandement de ne pas tuer mais le fait que pour les croyants c’est Dieu qui a donné la vie et que l’homme n’a donc pas le droit de la reprendre. Ce qui est tout à fait honorable pour ceux qui ont la foi mais ne leur donne pas le droit d’imposer cette vue aux autres. Ensuite c’est le Grand-Duc qui est intervenu, affirmant qu’il ne signerait pas la loi puisqu’elle allait contre ses convictions et que la Constitution luxembourgeoise statuait que le Grand-Duc sanctionne et promulgue les lois. Sanctionner est un mot qui paraît un peu désuet aujourd’hui mais qui contient effectivement le sens d’approuver. Il ne peut pas l’approuver, donc pas la sanctionner, donc pas la signer. Là l’ensemble des députés, les chrétiens comme les autres, ont pris un coup de sang. On est en démocratie. La loi c’est nous. Et en dix jours ils ont voté, à la quasi-unanimité, la modification de la Constitution, supprimant le mot sanctionner. Et Jean-Claude Juncker, chef du parti chrétien-social, a même condamné l’intervention du Vatican dans les affaires intérieures du Grand-Duché (le Vatican a cru bon de féliciter le Grand-Duc pour sa prise de position). Il faut dire que du côté français l’atmosphère n’était pas très favorable non plus, puisque la mission Leonetti a remis ses conclusions en continuant à refuser l’euthanasie active et en se contentant d’instituer un comité de suivi de la loi actuelle. Et Leonetti, dans un article du Monde du 8 décembre a encore une fois attaqué honteusement la Belgique et la Suisse pour leurs dispositifs de suicide assisté.
Finalement, après 5 heures de discussions, la loi sur les soins palliatifs a été approuvée à l’unanimité et la loi sur l’euthanasie et le suicide assisté par 31 voix contre 26 et 3 abstentions.
Le processus n’est pas terminé pour autant. La loi, ayant été modifiée, doit de nouveau être approuvée par le Conseil d’Etat qui peut demander encore une fois, même si ce n’est guère probable, une deuxième lecture d’ici 3 mois. La loi modifiant la Constitution et permettant au Grand-Duc de signer la loi sans l’approuver est soumise, par nature, à l’obligation d’une deuxième lecture. Et, en plus un citoyen qui se dit catholique convaincu et donc, dit-il, contre l’autorisation de tuer, va enclencher une procédure conduisant à un référendum sur la question de la Constitution. Tout ceci n’a aucune chance d’aboutir, la population luxembourgeoise étant de toute façon majoritairement en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté et le Grand-Duc ayant lui-même demandé la modification de la Constitution, mais cela va retarder encore une fois la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions prévues par la nouvelle loi.
En tout cas il faut tirer son chapeau. Voilà un pays encore nettement plus catholique que la France d’aujourd’hui, un pays où l’Archevêque représente une puissance au point de vue médias (une entreprise de 800 salariés, le principal quotidien, le Wort, principale imprimerie, St. Paul, des hebdomadaires, des stations de radio) et dont les élus ont fait preuve de tolérance et d’un courage que les nôtres n’ont pas eu. Et c’est bien dommage.