Les Romains disaient : Quos vult perdere, Juppiter dementat. (Attention, ce Juppiter n’a rien à voir avec le jupitérien Macron !). Mais la sagesse est plus ancienne encore, puisque déjà les Grecs avaient ce proverbe (je crois même qu’Euripide l’a cité dans une de ses tragédies) : Εκείνοι τους οποίους οι θεοί θα χάσουν.
Quels sont donc ces dieux qui veulent perdre les Français d’aujourd’hui en les rendant fous ? Moi-même je deviens fou à rechercher désespérément sur le net mon sondage quotidien ! Comment sommes-nous arrivés à un tel abaissement de la démocratie, une telle déchéance de l’intelligence ? Quand je les vois tous défiler à la télé, politiques et journalistes, j’ai envie de leur crier : et l’économie, stupides ? Comme si ce n’était pas l’économie qui gouvernait notre vie de tous les jours ! Dans quel monde irréel vivent-ils tous ?
Hamon avec son revenu universel. Qui paye ? Mais il ne faut pas toujours demander : qui paye, disent-ils à gauche. Il n’y a qu’à. Mais le pire ce sont les deux extrêmes dont les programmes économiques sont devenus très proches, la Marine voulant paraître de plus en plus sociale depuis qu’elle sait que les ouvriers votent pour elle (pas tous, heureusement). Moi, cela fait longtemps que je dis qu’il faut l’attaquer sur ce plan-là, puisque l’autre, le racisme, les gens s’en foutent de plus en plus, depuis la campagne calamiteuse de Sarko-Buisson de 2012. Quant à Mélenchon, le tribun prestidigitateur, il annonce tranquillement : la Sécu va rembourser 100%, gaz et électricité gratuits, cela coûte 16 milliards mais le petit là-bas – montre-toi, petit - , a calculé qu’on pouvait trouver ailleurs 21 milliards, donc non seulement cela ne coûte rien mais ça rapporte 5 milliards, la foule s’esclaffe et applaudit ! Et le pire, bien sûr, c’est la sortie de l’Euro. Tout de suite le nouveau Franc dévalue de 20%, la dette ce n’est plus 100% du PIB, mais 120%, le taux d’intérêt de la dette va grimper – il a déjà commencé à monter (les fonds japonais sont déjà partis), par peur de l’arrivée de ces deux zigottos - et le coût financier de la dette, qui est aujourd’hui équivalent au budget de l’Education nationale, va doubler ou tripler. Alors là je constate que cela leur fait quand même peur à certains, cette sortie de l’Euro, mais pas à tous. A Cannes on m’a répondu, quand j’ai parlé de la dette, mais on va faire comme on a toujours fait avec le Franc, on va faire marcher la planche à billets, l’inflation, et ainsi diminuer la dette. Mais puisque la dette est en Euros ! Mais non, me dit-on, on a quitté l’Euro, elle est en Francs ! Alors là, il n’y a plus qu’à tirer l’échelle, les dieux nous ont vraiment condamnés. Les Français sont devenus fous. Ou cons.
Et puis, m’ont-ils dit à Cannes, vous voyez bien, sur les 11 candidats il y en a 9 qui sont contre l’Europe, cela montre bien qu’on a raison. Et, effectivement cela aussi me fait peur : Le Pen 24, peut-être 30%, Mélenchon 20, plus les petits, l’inénarrable franchouillard Dupont-Aignan (pourquoi pas Dupont tout court avec béret et baguette sous le bras, ou Dupont-La Joie) et les pas si comiques Asselineau et l'autre dont j'ai déjà oublié le nom, tous aussi anti-européens, cela fait plus que 50% (je ne compte pas Lassalle, le bon Berger, ni les trotskistes qui s’en foutent de l’Europe, leur ennemi s’appellant tout simplement : le Capital). Et on ne peut pas dire que Fillon, 20% lui aussi, l’élève de Seguin, soit un fervent partisan de l’Europe !
Comment la France a-t-elle pu devenir aussi anti-européenne ? Alors que c’était la construction pleine d’espoir pour tous les gens de ma génération ? Ils ont déjà tout oublié, et tout particulièrement les trente honteuses de 14 à 40, les horribles massacres à la mitrailleuse et les canons pour gagner un petit monticule à Verdun, le fascisme, le nazisme, le génocide juif et les millions de morts de la deuxième guerre mondiale ? Moi, Alsacien, leur ai-je dit, dont la famille en a souffert tout particulièrement, changeant de nationalité quatre fois (et ce n’est quand même pas rien, on change de société, de culture, de langue, on est mal vus d’un côté ou de l’autre ou des deux, on meurt sous un uniforme qu’on n’aime pas : deux cousins de ma mère !), comment peut-on revenir à la psychose d’avant 1914 ? La haine de l’Allemand ? Quand Marine Le Pen interpelle, en plein amphithéâtre européen à Strasbourg, ma ville, la chancelière Merkel assise à côté de Hollande, en ces termes : « Merci, Madame Merkel, de nous faire le plaisir de venir avec votre vice-chancelier, administrateur de la province France ». A vomir. Mais le pied-noir Mélenchon n’est pas mieux, n’arrêtant pas de caricaturer nos voisins (ils sont obèses, ils polluent, ils sont vieux, ils n’aiment pas la vie, ils se destinent à un naufrage, le poison allemand est l’opium des riches… Extrait de son pamphlet Les Harengs de Bismarck, cités par Roland Ries, maire de Strasbourg, dans Le Temps de la Liberté).
Ce qui sent aussi mauvais dans toute cette campagne, comme a dit Hollande, ce n’est pas seulement les affaires, ce sont les sales rumeurs lancées sciemment sur le net, en imitation consciente du trumpisme triomphant, et en sachant pertinemment qu’il en reste toujours quelque chose des mensonges et des calomnies. Et pas seulement par les réseaux frontistes, par ceux de Fillon également. A Cannes encore, on m’a demandé : et les sous gagnés par Macron, ils sont passés où, hein ? Sa fortune, oh, hein ? Et le Cabinet noir, enfin, il existe bien, non, puisqu’il avait intérêt, bien sûr, Hollande, d’éliminer le candidat de la droite ? Et une amie, pourtant intelligente et sensée, qui nous dit en rigolant : alors – remarquez, moi, cela m’est égal – il en est Macron, hein ? Les journaux l’ont dit, en tout cas…
Je dis depuis longtemps que si un jour la Marine devient Présidente de a République, je changerai de nationalité. Trop honte de rester français. Mais Mélenchon n’est pas beaucoup mieux. Je me suis méfié depuis longtemps de cet homme (en Alsace nous savons tout le mal que peuvent faire les tribuns) et je savais tout le mal que cet homme à l'ego surdimensionné pouvait faire, mais je n’avais jamais pensé qu’il pouvait arriver à charmer avec son pipeau jusqu’à 20% d’électeurs français majeurs. Les gens n’ont-ils donc plus aucun discernement ? Et les journalistes ? Que de tables rondes entre sondeurs et journalistes dits politiques n’a-t-on pas vus à la télé au cours des semaines passées ! Mais pourquoi les journalistes n’ont-ils pas interrogé les candidats de manière plus sérieuse sur les seuls points qui vaillent : comment allez-vous faire pour diminuer le chômage ? Quel est votre budget ? Comment est-il bâti ? Sur quelles dépenses, quelles recettes ?
Mais même les soi-disant économistes ne sont pas capables de donner des réponses claires. L’autre jour il y avait une table ronde où le médiateur leur demandait : quel est le programme qui vous semble le plus efficace pour réduire le chômage ? Aucun n’a eu le courage de s’engager. Même Lenglet qui jongle tellement avec les chiffres sur Antenne 2 trouvait que chaque programme avait sa cohérence. Et que si des entreprises peuvent descendre à 32 heures pourquoi ne pas les récompenser en les faisant bénéficier d’une diminution de charges. Or qui accepte de descendre à 32 heures sans être payé 35 ? Donc même erreur que pour les 35 heures qu’il a fallu payer 39. Evidemment. Donc augmentation du coût horaire pour l’entreprise et aucun gain de pouvoir d’achat pour le salarié. Et personne pendant toute cette campagne n’a parlé de cette incongruité que je dénonce depuis trente ans : le surcoût exorbitant des charges dites patronales sur salaires qui est de 50% chez nous et de moins de 20% chez la plupart des autres pays européens ! Comment une énormité pareille échappe-t-elle à tout le monde, candidats, journalistes, économistes ? Et pourquoi tout le monde constate notre déficit abyssal de l’export en le comparant au surplus ahurissant de l’export allemand sans en chercher les causes ? Ce n’est quand même pas la faute de l’Allemagne ! Lenglet dit que c’est parce que les entreprises allemandes ont appris depuis toujours à vivre avec un Mark fort alors que nous on a toujours dévalué pour être compétitif et que, depuis l’Euro, on ne le peut plus. C’est faux : il y a longtemps que nous n’avons plus dévalué. Mitterrand, arrivé au pouvoir en 1981, a été tenté de dévaluer mais ne l’a pas fait !
Donc nos économistes ne valent pas mieux que nos candidats. Pourtant tous en ont. Même des prix Nobel. Mais jamais des conseillers qui viennent de l’industrie. C’est-à-dire du monde réel. C’est bien dommage. Quand le PDG de Pont-à-Mousson, un homme très modéré, dit : je comprends bien que c’est difficile à admettre pour le commun des mortels, mais c’est la vérité : quand on peut licencier plus facilement on embauche aussi plus facilement…, il a parfaitement raison !
On l’aura compris : Macron est mon dernier espoir. Parce qu’il est profondément européen, qu’il est sérieux et sait compter, qu’il arrivera, peut-être, à gouverner au centre, ce qui n’est plus arrivé depuis la IVème République, en s’alliant avec les gens de bonne volonté de la droite modérée et de la gauche réaliste. Hamon est seul responsable de sa dégringolade : il est autant responsable du naufrage du PS que Mélenchon. Fillon est peut-être encore un moindre mal bien que je n’aime pas du tout le personnage, sa politique économique très à droite, bien trop rigide et impossible à mettre en œuvre et ses amis intégristes cathos. Et j’exècre profondément les deux extrêmes. Et je les crains. Parce qu'ils nous apporteraient le chaos.
Oh, dieux qui voulez la perte de la France en rendant fous ses habitants, suspendez votre rage dimanche prochain. Laissez-nous une chance. Une dernière. S’il vous plaît…