La fameuse phrase : Le XXIème siècle sera religieux ou il ne sera pas, n’a jamais été prononcée par André Malraux (que j’ai appelé l’André obscur !). C’est Pierre Assouline qui l’assure sur son blog. Il l’a même démenti lors d’un entretien avec Pierre Desgraupes publié par le Point en 1975. Ce qui n’a pas empêché le Pape Jean-Paul II de la citer, la fameuse phrase apocryphe de Malraux. Normal, il prêchait pour sa paroisse, si j’ose m’exprimer ainsi. Et Sarko, aussi, mais là, évidemment, cela ne veut rien dire.
Personnellement je n’y avais jamais cru. Ce qui est sûr c’est qu’il ne l’a jamais écrite, la phrase en question. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne l’ait jamais dite, à un moment ou un autre, lors d’une conversation au coin du feu, chez son égérie, l’héritière des graines Vilmorin. Il avait l’habitude des formules, des visions, des fulgurances obscures. J’ai toujours pensé que s’il avait prononcé une phrase de ce genre il devait penser que le siècle futur aurait à nouveau besoin de quelque chose qui remplace les idéologies perdues et perverties. Loin de moi l’idée de les défendre. Le nazisme était une idéologie pourrie depuis le départ et le communisme s’est dévoyé en instaurant la dictature. D’abord celle du prolétariat puis celle de Staline. Et puis nous en avons fait l’expérience amère : toutes les idéologies finissent par tuer en leur nom propre. Non, ce que l’on peut regretter, c’est l’enthousiasme que le communisme a généré chez un très grand nombre de gens sincères. C’est l’idéal dont l’homme a besoin, c’est le combat pour l’éthique, c’est un but, un projet, la foi en quelque chose. En quoi croyait l’homme européen au cours des siècles précédents s’il n’était pas happé par les deux idéologies majeures du XXème ? Dans la démocratie, l’éducation, donc la culture, le progrès technique qui devait apporter le bonheur. Que nous reste-t-il aujourd’hui ? Les ONG, l’environnement. Pas folichon, tout ça. Et on vit avec le souvenir de nos échecs : démocratie bien vacillante, culture foutue, progrès technique : du bon et du mauvais, par exemple, le chômage, socialisme : combat perdu, définitivement avec la victoire du nouveau capitalisme financier et la mondialisation. Et on garde un mauvais goût en bouche quand on pense au dévoiement du communisme soviétique (sans parler des Khmers rouges et de la Corée du Nord). Sans compter bien d’autres déceptions telles que l’idéal européen ou le Gouvernement mondial auquel on aurait pu croire pendant une très courte période après la chute du mur et l’avènement de Gorbatchev. Ne reste qu’une seule valeur qui domine tout : l’argent. Pas une valeur morale, non, rien que de la valeur monétaire !
Il n’empêche. La religion est bien revenue. Et s’est installée avec grand bruit dans notre siècle nouveau. Je ne l’aurais jamais cru. J’ai déjà observé, abasourdi, le retour des religions après la chute du communisme. Le triomphe de l’orthodoxie en Russie, toile de fond d’un nouveau nationalisme et dont joue le tsar Poutine. La guerre de religions en Yougoslavie. Encore que c’était plus une guerre entre ethnies, ou plutôt entre anciennes communautés de peuples dont l’hostilité remontait à des temps historiques, histoire de la lutte entre Rome et Byzance, histoire de l’occupation turque, histoire récente aussi de l’occupation nazie. Il n’empêche, les éléments religieux n’étaient pas absents : il suffit de lire ce qu’en dit Kusturica dans son Où suis-je dans cette affaire ?, à propos du fanatisme religieux d’Izetbegovic qui semble avoir échappé à tout le monde (voir Kusturica et les Serbes sur mon Bloc-notes). Etonnement aussi, lorsqu’à l’issue d’une rencontre avec le Président d’un grand groupe chinois (de l’électro-ménager), celui-ci nous emmène au bord d’un lac (c’était près de Suzhou) visiter un nouveau site bouddhiste où se dressait une statue de Bouddha de 18 mètres de hauteur, en cuivre rutilant, rempli à l’intérieur de centaines de petits Bouddhas et d’ex-votos, et que mon hôte me déclare : notre Entreprise a participé financièrement à l’érection de la statue (j’avais déjà noté à Pékin, l’affluence des dévots dans les temples bouddhistes de la capitale). Je sais bien que le bouddhisme n’est pas une religion monothéiste, il n’empêche, la façon dont elle est pratiquée par le peuple en Asie, en fait une véritable religion, aux conceptions mystiques et surnaturelles, qui sont bien loin du matérialisme communiste !
Mais ce n’est pas seulement sur les décombres de l’ancien Empire soviétique que la Religion relève la tête. En Israël c’est sur la Torah que les intégristes se basent pour coloniser la Cisjordanie et pousser, à terme, 5 millions d’Arabes vivant en Israël, Cisjordanie et Gaza à l’exil. L’évangélisme est plus puissant que jamais aux Etats-Unis et c’est sur la Bible que se basent aussi les intégristes chrétiens américains pour soutenir Israël. Le communautarisme religieux se développe en Europe et, en particulier en France. Les signes religieux ostentatoires n’ont jamais été aussi importants. Les boucheries hallal et casher pullulent. Le casher et le hallal ne se limitent d’ailleurs pas à la viande. C’est dans un supermarché casher que la tuerie de Charlie s’est terminée. Les écoles religieuses privées prolifèrent. Je trouve ce phénomène particulièrement dangereux. Personne ne semble le comprendre. Il y a trois mois a paru un article dans Le Monde, intitulé L’appel du PS à ouvrir des écoles musulmanes inquiète les enseignants (13 mars 2015). C’est incroyable. Heureusement certains hommes de gauche et d’ailleurs ont découvert ce document qui date du 26 février. Pascal-Eric Lamy du Parti radical de gauche déclare : « Ces propositions sont indignes de la tradition socialiste d’émancipation vis-à-vis des religions et sont une insulte à la mémoire d’Alain Savary qui a combattu avec force pour unifier l’enseignement secondaire. En renonçant à défendre l’école publique, le Parti socialiste trahit la République ». Les syndicats d’enseignants et les chefs d’établissement se sont aussi émus de cette folie. « C’est une bien mauvaise façon de pallier la non-reconnaissance du fait islamique en France », constate Frédéric Rollet du SNES-FSU. Il n’y a qu’à voir le résultat pour ce qui est des écoles confessionnelles juives. Ce sont elles qui se font attaquer par des tueurs criminels, mais ce sont aussi les familles qui ont mis leurs enfants dans ces écoles qui sont celles qui émigrent vers Israël. Par peur, disent-ils. Et c’est probablement vrai, mais c’est aussi parce qu’ils se sentent plus juifs que Français. Nous connaissons bien ce phénomène en Alsace. A cause du Concordat napoléonien. J’ai cité certains chiffres dans ma note sur l’autonomisme alsacien entre les deux guerres (voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4) : En 1930, dans le Bas-Rhin, sur 1259 écoles primaires 830 étaient catholiques, 291 protestantes, 4 israélites et 134 interconfessionnelles ; dans le Haut-Rhin, sur 845 écoles, 653 sont catholiques, 13 protestantes et 179 interconfessionnelles. « Ces chiffres donnent à réfléchir », disais-je alors. « Cela veut dire que jusqu’en 1939, en Alsace, catholiques et protestants ne se mélangeaient même pas à l’école. Il n’est pas étonnant que, dans ces conditions, une certaine méfiance entre communautés ait continué à régner jusqu’aux temps modernes ». Promouvoir des écoles confessionnelles ce n’est pas seulement promouvoir les religions mais développer les communautarismes. Comment est-il possible que ce soit justement le PS qui développe ce genre d’idées ! C’est encore un coup de ce gauchisme naïf qui empoisonne toute la gauche française. On l’a encore vu avec les réactions de l’après-Charlie et l’infâme bouquin du fils Todd (voir Emmanuel Todd : Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, Seuil, 2015) ou la tout aussi infâme attaque de la journaliste Caroline Fourest par Aymeric Caron (dans une émission de Ruquier qui l’a bêtement et injustement mise à l’index) (voir Caroline Fourest : Eloge du sacrilège, Grasset, 2015). Il est désolant de voir que c’est un Américain (de cette Amérique si religieuse) qui est obligé de faire la leçon à la gauche française : voir Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam par Michael Walzer, Professeur à Princeton (Le Monde du 9/10/11 mai 2015). Il regrette que « les intellectuels progressistes ont une plus grande peur de l’islamophobie que de l’islam » (ils ont même « une peur panique d’être traité d’islamophobe », dit-il ailleurs). C’est peut-être parce que la plupart d’entre eux ne comprennent pas grand-chose au fait religieux, dit-il. Ou parce que les djihadistes clament qu’ils combattent l’Occident. Et que pour une certaine gauche l’Occident c’est l’Amérique et la civilisation matérialiste. Alors que « les valeurs que les fanatiques dénoncent comme étant « occidentales » - la liberté individuelle, la démocratie, l’égalité des sexes, le pluralisme religieux – sont ici au cœur du débat ». On en revient toujours à la même problématique : c’est un combat idéologique qu’il faut mener, ce sont nos valeurs, notre culture qu’il faut défendre. C’est ce qu’a dit Kadaré après l’attaque de Charlie (voir Merci les écrivains sur mon site Bloc-notes). C’est ce que je n’ai cessé de répéter dans mes différentes notes d’après Charlie (voir Charlie, l’islam et l’islamisme, Bloc-notes 2015). Et quand on s’engage dans une telle guerre il ne faut pas avoir peur des mots. Au début de son article Michael Walzer qui est un homme de gauche véritable qui s’est toujours engagé dans tous les combats, pour les droits civiques des Noirs, contre la guerre du Vietnam, et a toujours défendu le multiculturalisme (il a été le Rédacteur en chef de la fameuse Revue contestataire Dissent), dit ceci : « Pour ma part, je vis dans la peur de toute forme de militantisme religieux. Mais j’admets que les islamistes fanatiques sont ceux qui m’effraient le plus, parce que le monde musulman est, à ce moment de notre histoire (il n’en a pas toujours été ainsi et il n’est aucune raison de croire qu’il en sera toujours ainsi), particulièrement fiévreux et fervent ».
Je n’ai pas l’intention de parler encore du lien entre l’islam et l’islamisme, ni de la dérive intégriste qui touche presque tous les pays musulmans de la Malaisie jusqu'à la Mauritanie, ni de l'incroyable et effroyable incendie islamiste qui ravage tout le Moyen-Orient et l'Afrique saharienne et sahélienne et dont les nouvelles nous assaillent presque quotidiennement. J’ai déjà amplement évoqué ce problème dans mes notes précédentes. Et ce n’est pas le sujet de cette note qui est le retour apparent de la religion en ce début du XXIème siècle. Faisant de Malraux, grâce à un mot faussement attribué, le grand Prophète de notre temps. Je parlais au début de cette note d’un certain nombre de phénomènes qui me frappent : redoublement de ferveur, orthodoxie (ou intégrisme), multiplication des signes extérieurs et retour aux rites. Je ne prends qu’un exemple : je suis en train de m’occuper de certains aspects matériels de l’organisation d’une Rencontre littéraire à Barbezieux qui tourne autour d’Henri Fauconnier, natif du lieu et auteur du roman Malaisie, et de la poésie traditionnelle malaise (le pantoun) abondamment évoquée dans le livre de Fauconnier. Y participent des professeurs d’universités, des poètes, des amateurs comme moi, et un certain nombre de Malais. Or on est en plein Ramadan (juillet de cette année). Un Maître de danse de combat au kriss, le silat, vient nous faire une démonstration depuis Paris. En voyage on est dispensé de jeûne, me dit-il, mais souhaite un repas végétarien, ne voulant pas manger de viande non-hallal. Quatre autres viennent spécialement de Malaisie, le grand poète national, Muhammad Haji Salleh, habitué à voyager dans le monde et à assister à des conférences internationales, et trois membres d’un Institut culturel (Institut de traduction et de livres de Malaisie). Il n’y a rien à faire : eux tiennent à respecter Ramadan : petit-déjeuner à 5 heures du matin, rupture de jeûne à 22 heures et grand repas à 1 heure du matin. Barbezieux est une petite ville de province, il n’y a qu’un seul hôtel de 18 chambres, allez donc demander à un hôtelier charentais d’organiser tout cela ! Ils le savent, certains y sont déjà passés, je leur ai dit… La décision vient de tomber, ils vont faire Ramadan, cela ne se discute pas. Je connais bien la situation de la Malaisie. J’y suis allé à plusieurs reprises pour des raisons professionnelles il y a une vingtaine d’années, mon ami Georges Voisset a comme épouse une Malaisienne d’origine indienne (5 générations), lui-même y va tous les ans, et parmi mes amis du pantoun, il y a deux Français établis depuis fort longtemps dans le pays. Alors que le pays compte 40% de non-Malais et donc non-Musulmans, Chinois et Indiens, qui sont depuis fort longtemps des citoyens de seconde zone, ne pouvant devenir fonctionnaires, la communauté malaise (ou du moins les autorités qui les représentent) devient de plus en plus intégriste (l’influence des riches Arabes du Golfe qui y investissent y est probablement pour quelque chose). Alors la Malaisie proclame des fatwas, des règles pour tout ce qui n’a pas été explicitement prévu par le Coran. Il y en a déjà plus de 1500. On a créé un site internet spécial pour que chacun puisse les consulter. Quelques exemples d’interdictions ? La Saint Valentin, Halloween, le yoga, le pantalon pour les femmes, le botox, le bœuf wagyu (il a été massé avec de la bière), toucher un chien (animal impur puisque Mahomet aimait les chats, je suppose), utiliser le nom d’Allah pour désigner le Dieu des chrétiens (cette histoire, je la connaissais : une Bible en indonésien avait été imprimée dans le pays voisin, le malais et l’indonésien étant pratiquement identiques, l’éditeur indonésien a voulu en exporter un certain nombre en Malaisie, et la douane malaisienne les a saisis à cause du mot Allah). Le site est officiel, son adresse le montre : e-fatwa.gov.com et, à cause de la législation de la charia la police peut les faire appliquer à sa guise.
Je me suis toujours demandé quelle était la valeur morale de tous ces rites qui encombrent, plus particulièrement, les religions israélite et musulmane. J’en ai parlé dans ma note Religion et identité juives, au premier Tome de mon Voyage, à propos des fameuses 613 prescriptions (248 commandements et 365 interdictions !), mais cela concerne aussi bien tout le domaine du casher et du hallal. Quelle est la relation au divin de tout cela ? Quelle est sa portée morale ? Si ce n’est se distinguer des autres, des non-croyants, s’afficher ? D’autant plus que certaines de ces règles (la circoncision par exemple, ou l’interdiction de mêler lait et viande) remontent à des pratiques primitives africaines ou de magie (le grand ethnologue Frazer avait déjà étudié les rites de la Bible de manière un peu iconoclaste dès le début du XXème siècle, voir : Sir James George Frazer ; Folk-Lore in the Old Testament, Studies in comparative religion legend and law, Macmillan & Co, Londres, 1919, en trois volumes). C’est d’ailleurs sous la forme de la magie qu’apparaît d’abord cet esprit religieux qu’on nous dit être une caractéristique essentielle de l’animal devenu homo sapiens, dès l’origine. Cela ressort déjà des innombrables peintures rupestres que l’on retrouve dans le monde entier (45 millions de peintures et gravures décorant 70000 sites découverts sur 5 continents, nous dit l’anthropologue Emmanuel Anati), et qui témoignent à la fois de l’aptitude pour l’abstraction et de la croyance en la magie (voir Emmanuel Anati : Aux origines de l’art – 50000 ans d’art préhistorique et tribal, Fayard, 2003). Or la magie était avant tout l’expression d’une peur de cet animal devenu conscient, peur des dangers réels ou fantasmés du monde qui l’entourait, de la mort aussi, et de son désir (illusoire) d’y faire face. Pour moi qui ne suis pas un spécialiste de l’histoire des religions, qui ne suis qu’un amateur, je ne puis m’empêcher de trouver une grande similitude entre la conception magique primitive et, en partie du moins, la pratique religieuse des humains d’aujourd’hui (et pas seulement celle des trois monothéismes). Et ce n'est évidemment pas le fait que l'esprit religieux soit une caractéristique essentielle de l'être humain qui le justifie (ou prouve l'existence de Dieu). La violence, la cruauté aussi sont des caractéristiques de la nature humaine. Elles vont d'ailleurs souvent de pair - encore dans le monde actuel - avec la religion.
Alors, évidemment, on peut voir tout cet ensemble de rites d’une manière différente. Penser qu’ils sont là pour que le croyant ait constamment à l’esprit la présence de la divinité, de son importance, du fait que c’est elle seule qui compte, elle qui doit dominer sa vie (par les 5 prières par exemple pour les musulmans, comme par le jeûne du Ramadan). Et, alors, pourquoi ne pas aller plus loin encore et dire comme l’écrit le philosophe al-Ghazzali (XIème siècle) à ses étudiants : limitez-vous à acquérir les seules connaissances qui préparent à la vie de l’au-delà, après la mort, à ce qui est absolument nécessaire à la vie religieuse. Et je me rappelle que ce même al-Ghazzali estimait que l’intelligence humaine ne devait servir qu’à détruire la confiance que l’homme met en sa propre puissance intellectuelle (voir ce que j’en dis au Tome 2 de mon Voyage : Déclin culturel de l’Islam).
Or nous sommes au XXIème siècle. Et notre puissance intellectuelle n’a jamais été aussi grande. Je pense aux sciences pures, connaissance de l’Univers et sciences de la vie. Les connaissances techniques, la technologie m’intéressent beaucoup moins. Ce n’est là, au fond, qu’une extension de notre invention de l’utilisation de l’outil. Qui n’est d’ailleurs même pas propre à l’homme (alors qu’on a été très fiers de désigner ce stade de notre évolution comme celui de l’homo faber !). Des singes, des oiseaux, même savent s’en servir, d’un outil. Non, ce qui est vraiment extraordinaire, c’est que nous ne sommes peut-être pas loin d’arriver à créer la vie, c’est que nos astronomes sont capables de connaître l’âge de l’Univers, celui des commencements, la masse originelle (le chaos), la façon dont se sont créées les galaxies, c’est que nous avons été capables d’amener un homme sur la lune, cet astre que l’homme contemple depuis le fond des âges dans le ciel nocturne, capables d’envoyer un véhicule explorer Mars, en étudier le sol, l’atmosphère, et communiquer en retour données et photos, plus encore, faire atterrir sur une petite Comète lointaine, après de nombreuses années de voyage interplanétaire et mû par les seules forces gravitationnelles rigoureusement calculées et prévues, un engin qui y exécute et nous répercute mesures et photographies.
Comment peut-on concilier le fait que nous sommes arrivés à un tel stade de notre connaissance de notre environnement proche et ô combien lointain, un tel aboutissement de notre capacité intellectuelle et, qu’en même temps, l’humanité retourne à ce temps de la magie, de l’irrationnel, de ce qu’on a appelé à l’époque de Voltaire et de Diderot, de l’obscurantisme ? Comment comprendre que le même mécano dont l'homme se sert pour l'élaboration de ses plus fulgurantes élaborations rationnelles il l'utilise également pour toutes ses constructions irrationnelles (la théorie des complots, voir Rumeurs et Complots) ? Comment expliquer cette nature double, celle qui l'attire à se civiliser, celle qui fait qu'il se sent mal à l'aise dans une société civilisée (das Unbehagen in der Kultur de Freud) ?
J'ai dit Obscurantisme ? Tiens, ce mot, obscur, vous savez à quoi il me fait penser tout à coup ? Au grand mystère de l’Univers que nos savants n’ont toujours pas réussi à percer (du moins pas encore), la Masse Noire, l’Energie Noire. Et voilà, vous diront nos croyants indécrottables, et si c’était là que se cache ce Dieu que vous ne voulez voir ?
Ah, ben alors…