Suicide assisté (4)

(Sur une émission de Harry Roselmack)


La veille ou l’avant-veille du massacre de Charlie Hebdo, tard le soir (le plus tard possible pour ne pas faire peur aux téléspectateurs français avec ce sujet tabou qu’est la mort et qui est pourtant le sort commun à tous les humains), nous avions assisté à une émission magistrale de ce Harry Roselmack, dont certains imbéciles ont prétendu que TF1 ne l’avait engagé comme présentateur du Journal que parce qu’il avait la peau noire, sur la fin de vie et le suicide assisté. Roselmack se révèle là comme quelqu’un de profondément humain et en même temps comme le représentant de ce que je considère comme ce qu’il y a de meilleur sur le plan du journalisme : il sait écouter, il pose les questions qu’il faut, il ne se perd pas en futilités, il va au fond, il est patient.
Et puis je suis entré en déprime. Une déprime profonde, pas seulement parce que quelques jours plus tard j’ai eu mes 80 ans, mais parce que ce retour vers la barbarie, cette folie islamiste qui s’étend sur tellement de régions depuis le Pakistan jusqu’au Mali, ces enfants massacrés, ces filles violées, ces 21 Coptes agenouillés sur une plage de Lybie, tournés vers la mer et l’Europe, puis décapités, tout cela ne me sort plus de la tête et colore ma fin de vie d’un profond pessimisme sur l’évolution du genre humain. Que dis-je pessimisme ? Non, bien pire. L’homme se révèle de plus en plus comme le plus dévoyé de tous les animaux. On dirait que le même mécanisme cognitif qui a été capable d’envoyer un homme marcher sur la lune, un véhicule circuler sur Mars et nous faire connaître l’âge de l’Univers, est aussi la cause de ce développement vertigineux de l’irrationnel et de l’inculture que nous connaissons par ailleurs. Ce n’est pas ainsi que je m’étais imaginé le XXIème siècle. L’avenir de l’Homme ? L’Apocalypse !
Alors, en attendant l’Apocalypse, je me décide, malgré tout, comme Archimède continuant à dessiner ses figures géométriques sur le sable, au milieu des combats, à revenir aux questions ordinaires. Et au suicide assisté. D’autant plus que l’Assemblée Nationale va bientôt s’en saisir à nouveau, sans que je me fasse beaucoup d’illusions à ce sujet : c’est toujours le même indécrottable Leonetti qui en est le rapporteur, Hollande n’a pas le courage de Mitterand (sur l’abolition de la peine de mort) ni celui de Simone Veil (sur l’avortement) et Sarko va s’en emparer pour en faire une arme dans sa guerre civile personnelle.
A priori je n’avais pas l’intention d’écouter l’émission en question. La façon dont on discute, depuis des années, de la question du suicide assisté en France, m’horripile profondément. Les éternels pour et contre, merde ! Quatre pays proches de la France, Suisse, Luxembourg, Belgique, Hollande ont adopté le suicide assisté sans que cela leur pose le moindre problème. La Belgique et le Luxembourg sont beaucoup plus catholiques, encore pratiquants, que la France. Et pourtant la Belgique l’a adopté dès 2002. Et cela fait déjà 7 ans que le grand écrivain belge néerlandophone, Hugo Claus (voir son roman satirique Le Chagrin des Belges), se sachant atteint de la maladie d’Alzheimer depuis plusieurs années déjà, a pu se rendre à l’Hôpital avec son épouse Sylvia Kristel (la fameuse Emmanuelle) et avec son éditrice, a boire le champagne avec elles avant d’avaler la boisson létale qu’on lui avait préparée. Et ici au Luxembourg la loi sur la fin de vie et le suicide assisté est passée en 2009 alors que le pays est catholique à 95%, que l’Evêché est propriétaire du principal quotidien du pays, le Wort, plus plusieurs revues et radios locales, que le parti principal au pouvoir se dit chrétien-social. Et ceci sans aucun problème, après une longue préparation des esprits grâce à deux députés passionnés, et avec la seule opposition du Grand-Duc qui ne voulait signer la loi (encore une famille régnante ultra-catholique) parce que la Constitution utilise le mot approuve ! Immédiatement, dans les quinze jours, Juncker, Premier Ministre et chef de ce fameux Parti chrétien-social, a entamé la modification de la Constitution, adoptée à une majorité écrasante et qui fait que le Grand-Duc n’a plus qu’à signer et non à approuver !
Alors que la France, pays supposé laïque depuis plus d’un siècle, n’arrête pas de freiner des quatre fers.
Roselmack et son équipe ont suivi cinq personnes en fin de vie. Et ceci depuis des mois, même depuis plus d’un an.
Isabelle était la seule des cinq à être contente des dispositions de la loi actuelle. Elle est dans un service de soins palliatifs, en sort, probablement en phase de rémission, rentre chez elle, voit des amis et, lorsqu’elle se sentira à nouveau mal, dit-elle, elle retournera à son hôpital et son service de soins palliatifs.
Gérard est paralysé du bas du corps, condamné au lit, seul, mais revenu dans sa maison, il est fermement décidé à faire appel à une organisation suisse d’aide au suicide. On le voit en compagnie d’un représentant de l’organisation, signant des papiers, attendant une réponse, une réponse qui ne vient jamais. Car il ne faut pas croire que Dignitas est la solution à tous les problèmes. Il leur faut un dossier médical, une situation familiale, une analyse psy, etc. Et, en principe il faut venir à Zurich ou Genève par ses propres moyens. Là, il semble que Dignitas était prêt à aider Gérard, mais ce n’était qu’un leurre. Après plus d’une année Gérard semble avoir définitivement abandonné l’idée de pouvoir compter sur Dignitas. Alors, lui demande Roselmack, vous allez accepter votre sort ? Jamais de la vie, lui répond Gérard. Je continue, tant que j’arrive, plus ou moins, à me débrouiller tout seul, et que je tiens le coup moralement. Après ? J’ai réussi à me procurer un revolver. Ce ne sera pas très beau pour ceux qui me découvriront, mais tant pis. C’est la seule solution qui me reste. Et je suis bien décidé à la prendre.
Tania est une septuagénaire. Elle est en soins palliatifs, elle est condamnée, elle le sait et elle veut mourir. Sa fille la soutient. Et Tania a signé tous les papiers. Quand, finalement, le processus est enclenché, qu’elle est en semi-coma, mais continue à être alimentée, mais juste le minimum vital, sa fille devient folle : je ne sais pas si elle est encore consciente, par moments, ou pas, je ne sais si elle souffre, si elle a faim, rien. Elle voulait mourir, pourquoi ne peut-on la faire mourir ? Je n’ai pas le droit, lui dit le médecin. Roselmak cherche à en savoir davantage. Que lui injecte-t-on encore. Le minimum, pour qu’elle ne souffre pas. C’est notre unique souci : qu’elle ne souffre pas. Comment pouvez-vous le savoir, demande Roselmack. Le médecin ne répond pas. Combien de temps va-t-elle encore durer ? On ne sait pas. Plusieurs jours, peut-être plus, peut-être moins. Mais, de toute façon, elle va mourir ? Et c’est le processus qui est mis en route qui la fait mourir, non ? Le médecin ne répond pas. Et je crois lire dans les yeux de Roselmack exactement ce que je pense, moi : quelle monstrueuse hypocrisie !
Sylvie n’est pas encore décidée. Sa maladie lui laisse du répit. Mais elle sait qu’elle n’a aucune chance de s’en sortir et que cela sera douloureux. Mais elle a sa solution. Un médecin à la retraite qu’un réseau lui a indiqué. Et qui n’a aucun problème à témoigner, à visage découvert, devant la caméra. Il en a déjà aidé, une trentaine, à mourir. En fournissant la solution létale. J’estime, en aucune façon, désobéir à mon serment d’Hippocrate. J’estime que mon premier devoir est de servir l’homme. Le servir en l’aidant à venir au monde, le servir en le soignant et en le guérissant au cours de sa vie, le servir pour quitter ce monde quand on ne peut plus l’aider autrement et qu’il estime que le temps est venu. Vous n’avez aucune inquiétude d’être poursuivi quand vous témoignez ainsi à visage découvert, lui demande Roselmack. Aucune, lui répond le médecin. Je ne me suis jamais caché et je n’ai jamais été poursuivi. Vous êtes nombreux à faire comme vous ? Bien plus que vous ne pensez, lui répond encore le médecin. Mais quand Roselmak rencontre Sylvie un an plus tard, elle est toujours en vie et se porte relativement bien. Oui, mais dit-elle à Roselmack, je me sens rassurée. Je sais que lorsque j’en aurai besoin, j’ai la solution.
Anne est Suissesse et vit en Suisse (à Lausanne, m’a-t-il semblé). Elle a fait appel à une autre organisation suisse d’assistance au suicide, Exit, et elle veut témoigner. Et accepte que la télévision assiste à sa mort. Une situation hautement délicate que Roselmack, une fois de plus, contrôle avec un tact admirable. On est dans la chambre d’Annie, ce sont les derniers préparatifs, un représentant de l’organisation est présent, ainsi qu’un policier. Le représentant en question relit les papiers, les fait signer à nouveau, pose toute une liste des questions pour voir si Anne est toujours consciente, toujours saine d’esprit, toujours décidée. Le policier a déjà étudié le dossier, il assiste simplement pour vérifier que tout se passe dans les règles. Puis le représentant d’Exit dépose le liquide létal dans un ballon du baxter, montre à Anne quelle valve il faut tourner pour que le liquide coule dans sa veine. Et puis tout le monde se recueille, un ami d’Annie, plus jeune qu’elle, arrive pour l’embrasser et assister à ses derniers moments, et puis on voit encore Annie tourner elle-même la valve fatale et on se retire sur la pointe des pieds. Il n’est pas question, bien sûr, de filmer la mort elle-même. Il n’empêche : il était important de montrer au spectateur français, il me semble, que c’est bien Anne qui prend la décision de tourner le robinet, que c’est bien elle qui se prend la vie et que les autres ne sont là que pour fournir le produit nécessaire comme le fait le médecin de Sylvie. Et qu’il s’agit bien d’un suicide. D’un suicide assisté.
Je pense, sincèrement, qu’il n’y a plus rien à ajouter. Les exemples choisis parlent pour eux-mêmes. On ne peut qu’espérer qu’un nombre suffisant de nos élus auront vu l’émission si tardive de Roselmack !

 

PS: Si cette note est intitulée Suicide assisté (4) c'est que j'ai déjà traité ce sujet à trois reprises (en 2008), mais que rien n'a changé depuis. Cette semaine la discussion de la nouvelle mouture de la loi a débuté à l'Assemblée Nationale et, une fois de plus cela commence très mal. Les intégristes manifestent devant le Parlement, des représentants des trois religions monothéistes (ce monothéisme source principale de la violence dans l'histoire de l'humanité) protestent contre le droit d'aider à mourir. La grande loi de l'interdiction de tuer ne les a jamais empêchés d'autoriser à tuer en cas de guerre ni de bénir les canons des deux côtés des belligérants. Et cela n'a pas empêché Pie XII à préférer faire silence sur le génocide industriel des Juifs plutôt que de risquer la persécution de son Eglise par Hitler. Et, dans le même numéro du Monde (daté du 10 mars 2015) où les trois monothéismes viennent crier haro sur la loi, une femme témoigne sur sa fin de vie chez Dignitas : le coût total : 8400 Euros (avant la réévaluation du Franc suisse!). Une barrière de plus : les pauvres n'y ont de toute façon pas droit! 


PS 2 (13 mars 2015) : Mercredi soir, 11 mars, nous avons pu voir sur France 2 un très émouvant et très réussi téléfilm, Des roses en hiver, avec Jean-Pierre Marielle et Mylène Demongeot qui raconte l’histoire d’un homme de 80 ans atteint d’un cancer généralisé et qui a décidé de faire appel à Dignitas pour mettre fin à sa vie avant la déchéance terminale. Ce qui fait l’intérêt du film c’est qu’il n’explique pas seulement la façon dont se déroule (ou devait se dérouler, car le vieillard meurt quelques jours avant son rendez-vous mortel), mais qu’il montre aussi l’effet qu’a cette annonce sur son épouse d’abord, sur ses trois enfants ensuite.
Le film était suivi d’un débat avec d’un côté des partisans passionnés du suicide assisté, Mylène Demongeot, une femme atteinte d’un cancer incurable en phase de répit et qui a déjà pris toutes ses précautions pour pouvoir obtenir une aide médicale au suicide en Belgique (et qui ne veut surtout pas tomber dans les mains des médecins français !), de la veuve d’un médecin décédé d’une maladie de la dégénérescence nerveuse qui est mort dans d’affreuses souffrances, à qui l’hôpital a refusé la morphine et qui est resté trois heures dans une ambulance avant de mourir chez lui, enfin du fameux médecin que l’on avait déjà vu dans l’émission de Roselmack et qui déclare ouvertement aider ses patients à mourir (je n’ai malheureusement pas retenu son nom). De l’autre côté il y avait l’inénarrable et inébranlable docteur Leonetti, un médecin intégriste d’un service de soins palliatifs et un philosophe dont personne n’a compris quelles étaient ses idées véritables. Le débat était très bien animé par Julian Bugier même s’il a beaucoup plus tourné autour de la fameuse « sédation profonde et continue » en phase terminale qui est censée être une euthanasie douce sans vraiment en être une, qu’autour du véritable suicide assisté. Je suppose que les assistants au débat connaissaient déjà le résultat du vote à l’Assemblée qui avait eu lieu le même soir et qui avait rejeté une fois de plus cette dernière solution.
Le lendemain je lis sur LeMonde.fr ceci :
Les députés ont rejeté mercredi par 89 voix contre 70 des amendements visant à légaliser le suicide médicalement assisté et l'euthanasie dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi sur la fin de vie. Le texte étudié, qui complète la loi de 2005, propose une "sédation profonde et continue" pour les patients en phase terminale, sans aller jusqu'à l'euthanasie, et rend contraignantes pour les médecins les directives anticipées laissées par les malades. Cette proposition de loi, qui est soutenue par l'UMP et le PS, est relativement consensuelle mais une centaine de députés PS, des écologistes et des radicaux de gauche estiment qu'elle ne va pas assez loin. Un amendement socialiste prévoyait ainsi que "toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander (...) à bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir". A la fin janvier, une proposition de loi écologiste allant dans ce sens avait été rejetée, seuls les groupes écologiste et des radicaux de gauche ainsi que quelques élus PS votant pour. Les deux auteurs de la proposition de loi, Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP), ont appelé au rejet de cette série d'amendements et réaffirmé "l'équilibre" de leur texte issu de leur rapport présenté l'an dernier. La ministre de la santé, Marisol Touraine, a elle aussi appelé au rejet de cet amendement, estimant qu'il ne fallait "pas brusquer la société française".
J’ai eu du mal à comprendre. Si une centaine de députés étaient en faveur du suicide assisté, pourquoi l’amendement a-t-il été repoussé par 89 voix contre 70 ? Et comment la Ministre peut-elle affirmer qu’adopter le suicide assisté brusquerait la société française ? Les sondages ne montrent-ils pas clairement depuis fort longtemps qu’une majorité de Français y sont favorables ? Lors de l’émission l’une des femmes a parlé de 92% de Français qui y seraient favorables (chiffre probablement faux mais personne n’a protesté) et s’est adressé à Leonetti en ses termes : comment ces 8% dont vous faites partie peuvent-ils imposer une loi aux 92%, alors que personne ne les oblige à faire appel aux dispositions de cette loi si elles sont contraires à leurs convictions ? Mais c’est probablement là le point crucial : Hollande, toujours aussi courageux, a eu peur qu’une fois de plus il aurait à faire face aux marches sans fin des intégristes cathos et de leurs soutiens opportunistes de la droite profonde…
Le lendemain 13 mars Le Monde donne quelques explications supplémentaires : « environ les deux tiers des députés de gauche étaient favorables à notre amendement, assure le député PS Jean-Louis Touraine, dont le texte avait recueilli 122 signatures ». Mais visiblement les 122 n’étaient pas présents au moment du vote ou alors ils se sont dégonflés. Et quand la Ministre qui était pourtant, ainsi que Manuel Valls, en faveur d’une aide active à mourir en 2009 (ce qui montre bien qu’en l’occurrence ils ont obéi à une injonction impérative du Président), dit que c’est quand même « une avancée significative, majeure même », et ajoute : « Aujourd’hui nous faisons évoluer le droit. Peut-être d’autres étapes viendront-elles ensuite ? », Leonetti lui rétorque immédiatement : « Je ne considère pas qu’il y a une évolution inéluctable vers l’euthanasie ou le suicide assisté ». Cela promet. Ce n’est pas lors de la prochaine législature dominée par la droite et l’extrême-droite que les choses vont bouger…

Ce qui me choque aussi dans cette histoire c’est qu’on a l’impression que seule compte l’opinion des médecins, les médecins députés, les médecins membres de « comités d’éthique », etc… Comme si l’opinion des simples citoyens, de ceux que cela concerne vraiment, les vieux, les malades, ne comptait pas. Même le Professeur Sicard qui avait pourtant présidé la commission de réflexion mise en place par Hollande en 2012, le reconnaît : « …la loi Leonetti est une loi pour les médecins, dans la mesure où elle leur dit ce qu’ils ont ou n’ont pas le droit de faire » (voir l’article de Catherine Vincent paru dans Le Monde du 7 mars 2015). « Elle définit davantage les devoirs des soignants que les droits des malades », ajoute Catherine Vincent. Or là apparaît un danger « collatéral » redoutable. Le Dr. Véronique Fournier, cardiologue et responsable du centre d’éthique d’un hôpital, dit ceci (dans une interview parue dans le même numéro du Monde) : « Pour ceux de ma génération, il était interdit de tuer, bien sûr, mais cela faisait partie de l’honneur de la médecine de pouvoir, de temps à autre, transgresser cet interdit s’il nous semblait que c’était la moins mauvaise des solutions pour nos patients » . Or, justement, lors de l’émission de mercredi soir (11 mars), on a appris que tous les médecins présents, pas seulement le médecin partisan de l’aide à mourir, mais même Leonetti, ont eu, à de nombreuses occasions, dans leur jeunesse, quand ils étaient internes, vu faire ou fait eux-mêmes le geste létal. « La loi Leonetti », continue Véronique Fournier, « est la première à encadrer l’accompagnement de la fin de vie. Ce faisant, elle a implicitement interdit l’euthanasie. Ce qui était jusqu’alors une questiion d’éthique est ainsi devenu pour nous une question légale. Résultat : il y a moins d’acharnement thérapeutique, le malade est sédaté, il ne semble pas souffrir… mais il ne meurt pas. Ou du moins il n’en finit pas de mourir, pour qu’on ne puisse pas dire que la médecine a hâté les choses… En faisant une distinction entre le « laisser mourir » et le « faire mourir », elle continue à condamner tout acte qui pourrait précipiter la mort. Il est grand temps que la médecine assume l’intention de mort ». « On ne meurt pas de sédation », dit-elle encore, « fût-elle profonde et continue. Une fois la bonne dose trouvée pour que la personne dorme, elle dort… pendant des semaines. On peut bien sûr décider d’augmenter les doses, mais c’est alors considéré comme une décision d’euthanasie et donc illégale… ». Et le Professeur Sicard dit que quand il a interrogé les médecins généralistes, la moitié d’entre eux ont déclaré que « la Loi Leonetti les avait empêchés de faire ce qu’ils souhaitaient, c’est-à-dire calmer leurs patients avec des sédatifs qui leur sont désormais interdits ».